Il y eut Camille Claudel sœur de Paul, mais il eut aussi Lucia Joyce fille de James. A l’évidence, Eugène Durif porte sur cette dernière un intérêt particulier. En amont d’un livre à paraître à la rentrée, l’écrivain signe Le cas Lucia J. (un feu dans la tête).
Badigeonnée de blanc, la salle de l’Artéphile devient une cellule capitonnée contre laquelle se cogne une femme en nuisette, elle aussi immaculée. Elle se nomme Lucia, son père n’est autre que l’écrivain James Joyce (1882-1941), auteur d’Ulysse, l’une des cathédrales de la littérature du XXème siècle. Sa fille cadette opte pour la danse qu’elle aborde dans un style personnel, vite repéré. Mais le paternel n’aura de cesse d’entraver son ascension, officiellement pour préserver un équilibre fragile. Lucia suivra dès lors une route chaotique où elle croisera le dramaturge Samuel Beckett et Carl Gustav Jung, le psychanalyste. Mais son itinéraire artistique restera à jamais entravé.
Amour, admiration, jalousie alimentent cette relation incestuelle, baptisée ainsi par Eugène Durif. Pour le passage au plateau, l’auteur s’adjoint des aides précieuses. Ivanov, La Mouette 2000, Platonov dans la cour d'honneur en2002, Eric Lacascade éblouit le Festival d’Avignon par son compagnonnage avec Tchekov. De retour dans la Cité des papes, le metteur en scène s’empare du texte et de son interprète. Son art de transformer le corps en vecteur des sentiments trouve en Karelle Prugnaud le réceptacle idéal.
L’actrice devient ange sacrificiel, précipité de passions contradictoires qui la propulsent très haut puis l’enfoncent très bas. Sa sensibilité exacerbée, son engagement toujours maîtrisé donnent à ressentir les exaltations, le désarroi de Lucia, immolée sur l’autel du génie et de l’adoration.
Un destin, un texte, une performance.
Le cas Lucia J. (un feu dans la tête) 21H45, Artéphile Théâtre jusqu’au 26 juillet (relâche le mercredi).