A défaut d’être reçue au Panthéon, Gisèle Halimi (1927-2020) est régulièrement conviée sur les plateaux de théâtre. Créée en 2022 par Ariane Ascaride aux côtés de Philippine Pierre-Brossolette, repris par Marie-Christine Barrault et Hinda Abdelaoui, Gisèle Halimi, une Farouche Liberté poursuit sa carrière à guichets fermés.
En début d’année, La Lionne et la compagnie La Naïve, s’emparaient à leur tour de la biographie de l’avocate, figure de prou des luttes féministes des années 70.
Sous-titré Gisèle, Marie-Claire, Michèle… et les autres, Le Procès d’une vie s’immerge dans la genèse du Procès de Bobigny. À l’automne 1972, l’avouée, elle-même transfuge de classe ayant eu recours aux faiseuse d'anges, assura la défense de Marie-Claire Chevalier (17 ans) et quatre femmes, accusées d’avortement et de complicité d’avortement. Barbara Lamballais et Karina Testa signent une partition qui réactive une époque et restitue un moment d’Histoire. Des anonymes côtoient des sommités médicales, des figures intellectuelles, au fil d’une proposition chorale et documentée.
Sur scène : sept interprètes pour quatre fois plus de personnages : Julien Urutia assume la majorité des rôles masculins, avec une exception pour la sublime Delphine Seyrig (1932-1990). Maud Forget est Marie-Claire et Clotilde Daniault, Gisèle Halimi. Karina Testa, Jeanne Arènes, Déborah Graal, Céline Toutain, prennent en charge les autres caractères : d’une policière à Simone De Beauvoir (1908-1986).
Rythmée comme un film, fragmentée comme une série-télé, la narration combine les lieux et les temporalités : de la bibliothèque de la RATP au palais de justice, en passant par La Tunisie et La Goulette natale de la future plaideuse.
Ancré dans le siècle dernier, le récit aborde le consentement, la vénalité, les dénis et autres préjugés liés aux déterminismes de genre.., autant de notions toujours au faîte de l'actualité. Cinquante ans après l’adoption de la loi défendue par Simone Veil (1927-2017), Le Procès d’une vie retrace l’épopée d’un progrès social. Cependant, tel un billard à trois bandes, il pointe l’émergence d’une restauration conservatrice qui, un demi-siècle plus tard, remet en cause des acquis fondamentaux.
D’autre part, à l’instar de Annie Colère, le beau film (sur un sujet similaire) de Blandine Lenoir (2022), cet acte théâtral célèbre l’esprit de solidarité qui cimente un collectif par-delà les générations, les croyances, les appartenances. Fondus au noir, changements à vue.., chacune et chacun participent à la scénographie scrupuleuse et artisanale de ce tourbillon polyphonique. Décidément cette apologie du groupe s'avère un exemplaire travail de troupe.
Le Procès d’une vie : 16H30, du 7 au 26 juillet, Théâtre des Gémeaux. Relâche le mercredi.
Réservations : https://www.theatredesgemeaux.com/
Photographies : Simon Gosselin.