Il n’y pas d’ours dans le Jura. Mais c’est bel est bien ce plantigrade qui provoque la sortie de route du pick-up conduit par Michel (Franck Dubosc). Résultat de l’embardée : deux trépassés.
A quelques jours de Noël, l’accident affecte encore l’asthénie du forestier, dont les affaires périclitent et le ménage dépérit. Il confesse sa mésaventure à Cathy (Laure Calamy). Rompue aux aléas du destin (et fervente lectrice de romans policiers), l’épouse entreprend de camoufler l’accident.
Tel est le point de départ de Un ours dans le Jura, troisième long-métrage réalisé par Franck Dubosc. S’il fructifie au cinéma le succès de ses seuls-en-scène d’essences autobiographiques, le fantaisiste s’avère plus audacieux dans ses réalisations. Tout le monde debout (2018) agrège comédie romantique et handicap, Rumba la vie (2022) fraye avec le mélodrame. Un ours dans le Jura, enfin, s’aventure très loin dans le polar et l’humour noir.
Sanglante et tordante, l’ouverture imprime le ton de cet anti-conte de Noël au cours duquel d’impitoyables trafiquants, des tueurs au sang froid (c’est de saison) s’abîment sur le terrain miné (et verglacé) d’intérêts bien compris. Le film surprend, en premier lieu, par l’efficacité de son intrigue (rédigée à quatre mains avec Sarah Kaminsky), une progression irrémédiable qui ne déroge jamais à ses partis-pris sans foi ni loi.
Autres atouts majeurs : l’attention aux personnages et la pertinence de l’interprétation. Dubosc réunit une bande de premier choix en osmose avec son équipée allègrement mortifère. En rupture avec ses prestations narcissiques, voire exhibitionnistes, l’acteur-réalisateur donne le ton et se fond dans cet arboriculteur dépressif, velléitaire et dépassé.
Au diapason, Benoît Poelvoorde maintient la mesure en gendarme pragmatique, en paternel déconfit. Emmanuelle Devos est souveraine dans son apparition mutine et âpre au gain. Même Laura Calamy, transportée comme toujours, dote de nuances inédites son traditionnel pétage de plomb.
Ajoutons deux mentions spéciales pour Joséphine de Meaux, gendarmette enrhumée toute en subtilité et Kim Higelin, découverte dans l’éprouvant mais nécessaire Consentement (Vanessa Filho 2023), transfigurée ici en lycéenne boudeuse et résolue.
Sur les brisées du Miséricorde d’Alain Guiraudie, Un ours dans le Jura portraiture un arrière-pays où tout le monde se connaît, se comprend et s’accommode selon les opportunités. Située dans une paroisse pas très catholique mais, à tout prendre, très bien fréquentée, voilà une fable résolument immorale, doublée d’une comédie macabre qui se savoure comme la plus goûteuse des bûches glacées.
Photographies : Gaumont Distribution.