A l’encontre d’un sujet atypique à la réception incertaine, un film dit de genre constitue la rampe d’accès idéale pour un jeune réalisateur. A ce titre, Pedro Martin-Calero bétonne son coup d’essai : un film de terreur écrit par Isabel Peña. Indissociable de Rodrigo Sorogoyen : Que Dieu nous pardonne (2016), El reino 2018), Madre (2019), As bestas 2022 ), la scénariste livre une trame gigogne qui s’amorce en 2022, en Espagne, puis remonte, 25 ans plus tôt, vers l’Argentine.
Donc Andrea (Ester Esposito) se partage entre ses études à Madrid et les conversations avec son amoureux exilé aux Antipodes. Peu à peu, nouvelle funeste, émanations menaçantes, interférences auditives brouillent son quotidien. Le malaise insidieux se cristallise sur la vision récurrente d’un appartement à vendre (se vende).
Figure centrale du retour en arrière, Camila (Malena Villa), traîne dans les rues de La Plata, à la recherche d’un sujet pour son documentaire de fin d’études. L'étudiante remarque une jeune femme en robe rouge qu’elle entreprend de filmer à distance. La filature la conduit au pied d’un immeuble dont un logis se vende.
Aux caméscope encombrant, summum high-tech des années 80, répondent les mini-caméras espionnes, recherches internet, échanges Zoom sur high-phones ou ordinateurs portables. L’évolution de l’arsenal technologique nourrit une dramaturgie où se coagulent mystère, menaces et voyeurisme.
Le puzzle regorge de références de haut-vol : Blow-up (Michelangelo Antonioni 1966) pour l’image cachée, Conversation secrète (Francis Ford Coppola 1974) et ses outrages à l’intimité, It Follows (David Robert Mitchell 2014) contaminé d’ectoplasmes récurrents.. . L’on songe encore à l’incontournable David Lynch, orfèvre ès ruptures de récits.
Précis, alerte, mis en image par un ancien directeur de la photo, concepteur de clips et de publicité, le découpage dissout l’étalage de culture cinéphile dans une intrigue labyrinthique qui dose énigme, suspense et témoigne d’une maîtrise aussi judicieuse qu’efficace de la frayeur.
A l’épilogue, la complétion du Rubik-Cube narratif, en adéquation avec le titre original : El Lianto : La Peur ; se perd hélas dans les assignations pontifiantes, qui surlignent, jusqu’au pléonasme, le propos d’un projet, dont la structure sophistiquée n’oblitère en rien la clarté de la pensée.
Quoi qu’il en soit, à la suite des Révoltés de l’an 2000 (1976), Tésis (1996), Ouvre les yeux (1997), Les Proies (2007), En décalage (2020).., Les Maudites apporte un tribu appréciable dans une école fantastique ibérique, qui adjoint l’insolite et l’inquiétude, à des considérations inscrites dans la contemporanéité.
Une métaphore affûtée, baignée de fantasmagorie : force est de reconnaître que, ici, le cahier des charges est bien rempli.
Projection-rencontre autour des Maudites, lundi 26 mai 19H30, cinéma Utopia-Manutention Avignon.
Photographies : Paname Distribution.