La Constitution d’Avignon

Depuis son entrée en fonction, il ne cesse d’évoquer la partition, composée par Jean Vilar, fondateur du Festival d’Avignon et revisitée, depuis 1971, par ses successeurs. L’on connaît désormais l'interprétation personnelle de Tiago Rodrigues.

44 spectacles dont 33 créations, 260 levers de rideaux, animent les 21 jours de la 77ème édition. Quelques talents identifiés sont de la fête. Aux côtés d’Arthur Schnitzler, l'écrivain Thomas Bernhardt cimente le socle d’Extinction ou l’apocalypse abordée dans une nouvelle fresque (5 heures) mise en scène par Julien Gosselin. Découvert en 2013 avec le tétanisant Hate Radio, sur l’amorce du génocide rwandais, Milo Rau transpose Antigone le long du fleuve Amazone où s’active le Mouvement des Sans Terre.

Danse : Mathilde Monnier puise dans la série H24, axée sur les maltraitances à l’égard de femmes, le suc de Black Lights. Double programme pour la chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker qui livrera sa Création 2023 puis la re-création de En attendant, pièce pour danseurs, musiciens et coucher de soleil qui, en 2010, subjugua les spectateurs du Cloître des Célestins.

Tiago Rodrigues confie l’ouverture de son premier festival à deux nouvelles venues. Bintou Dembélé malaxe hip hop et Les Indes Galantes, ouvrage baroque de Jean-Philippe Rameau, tout au long de G.R.O.O.V.E. (photo), fresque déambulatoire aux alentour et sur le plateau de l’Opéra.

A quelques mètres de là, dans la Cour d’honneur du Palais des papes, Julie Deliquet adapte Welfare, documentaire réalisé en 1975, par Frederik Wiseman (photo), édifiant voyage au cœur des services d’action sociale newyorkais. Réappropriation d’œuvres patrimoniales, mise en abyme du réel et la fiction, ces partis pris imprègnent le programme, de même que l’inspiration d’un certain… Tiago Rodrigues.

L’anglais première langue..., invitée par le nouveau directeur du Festival d’Avignon. Les États unis squattent la cour d’honneur. A la suite de Welfare, place à The Romeo. Amoureux ? Séducteur ? Le danseur-chorégraphe Trajal Harrel examine cette figure shakespearienne à travers les origines et identités de ses danseurs.

Shakespeare suite, Gwenaël Morin signe un bail de quatre ans dans le jardin de la Maison Jean Vilar. Découvert durant l’automne 2020 avec Andromaque à l’infini, le metteur en scène s’empare de la sarabande de désirs et de fantaisie qui irrigue Le Songe... d’une nuit d’été.

Seul dans la chapelle des pénitents blancs, Tim Crouch se penche sur le Fou du Roi Lear, le temps de Truth a Dog must to Kennel-le chien doit la vérité au chenil. Auparavant le dramaturge du West Sussex aura planté son Oak Tree-Chêne (photo) entre les deux platanes des Célestins.

Alistair McDowall, auteur de trois monologues pour l’actrice Kate O’Flynn (All of it), Alexander Zeldin et ses Confessions, inspirées par les conversations avec sa mère, Tim Etchells, ordonnateur de L’Addition (photo), qualifié de grand spectacle de petite échelle, en tournée nomade, seront également les hôtes Festival.

Pour sa première au Festival, Pauline Bayle questionne les parcours initiatiques à travers le destin et l’œuvre de Virginia Woolf. Écrire sa vie sera créé dans l’écrin du Cloître des Carmes. En 1965, l’université de Cambridge fut le lieu d’un échange entre l’écrivain afro-américain James Baldwin et l’intellectuel conservateur William F. Buckley Jr. Baldwin and Buckley par la compagnie Elevator Repair Service restitue les minutes de cette confrontation.

Polyglotte accompli, Tiago Rodrigues, célèbre l’anglais qui, au-delà de la langue franche, n'a rien perdu de sa sophistication.

Outre partition, les mots nature, café, démocratie, figurent en bonne place dans le glossaire du directeur du Festival. Rayon plein air, le Jardin de la Maison jean Vilar est préempté pour les quatre prochaines années. Le bail est identique pour La Carrière Boulbon, abandonnée depuis 2016. Découvert en 2008 avec La Mélancolie des Dragons, Philippe Quesne y reconstituera Le Jardin des Délices (photo) de Jérôme Bosch (1450-1516). La rencontre entre les falaises du lieu et le triptyque, chef d’œuvre dense et complexe de la peinture primitive, constitue un défi excitant pour cet artiste, promoteur d’un théâtre visuel et sensoriel.

A quelques encablure de Villeneuve lez Avignon, sa Chartreuse, dont le cloître du cimetière est confié à la chorégraphe Maud Blandel ( L’oeil nu), Pujaut sera le village phare du Festival.

On ira à Pujaut en milieu d’après midi, découvrir les Paysages partagés, soit sept dramaticules entre champ et forêt, réunissant neuf nationalités dans une odyssée dramatique, supervisée par Caroline Barneaud et Stefan Kaegi, figure de prou du théâtre documentaire. On retournera à Pujaut, dès potron-minet (6 heures) découvrir l’adaptation de Que ma joie demeure, roman de Jean Giono, restitué le long d’une vaste déambulation (6H30) par Clara Hédouin.

Sur Avignon intra muros, exit la Cour minérale de la la faculté Sainte Marthe et Welcome à la Cour Montfaucon de la Collection Lambert qui recevra les performances de Michikazu Matsune et Martine Pisani, puis Le Beau Monde variations sur la mémoire et la transmission, par l’Ecole parallèle imaginaire, couronnée par le Prix Impatience 2022.

Si le Théâtre des idées baisse son rideau, le Café des idées ouvre sa terrasse dans le cloître Saint Louis. Le détail des rencontres et animations sera décliné dans le programme complet, disponible en mai. Un préprogramme détaillé des spectacles est déjà disponible. L’outil est essentiel alors que les locations (nouveauté, nouveauté) sont dores et déjà ouvertes.

L’allongement des séries de certaines représentations occasionne la mise en vente de 12000 places supplémentaires, bouffée d’oxygène dans une atmosphère brouillée par les dégâts de l’inflation.

Enfin Tiago Rodrigues, auteur-metteur en scène se réserve la soirée de clôture au cours de laquelle sera fêtée le dixième anniversaire de By Heart/Par Coeur (photo), proposition aléatoire et interactive qui, sous l’ampleur du cosmos, conjugue le patrimoine et l’inattendu, le génie des poètes et la riche diversité de celles et ceux qui les écoutent. Telles sont les grandes lignes de la nouvelle Constitution d’Avignon.