Baro on the level

 

Accueillis au seuil du Lycée Saint-Joseph, les visiteurs suivent un parcours jalonné de vases sonores, sur lesquels veillent des femmes et des hommes, tels des majordomes tirés à quatre épingles. Sur le plateau de Saint-Jo, trône un ample monticule, lui aussi bordé de faïences. Un pot cassé, signale néanmoins de possibles accrocs à l’ordonnancement.

Expédié un tuto de poterie, les factotums se regroupent sur le front de scène, le temps d’une sublime polyphonie au soleil couchant. Toutefois, une mixture blanchâtre se répand sous leurs pieds. Quelques minutes plus tard le groupe de nobles domestiques s’est métamorphosé en un conglomérat de statues de plâtre.

La cour du lycée Saint-Joseph serait-elle le cocon dédié aux sublimes excentricités ? Deux ans après les acharnés compétiteurs, coachés par Miet Warlop (One Song), l’espace est confié aux bons soins des performeurs multi-cartes de Baro d’ével. 

Qui som ? (Qui sommes nous) désigne une proposition multidisciplinaire qui avance par tableaux. Dans une fluidité parfaite, s’entremêlent chants, danse, pirouettes clownesques, exploits circassiens. A l’achèvement spectaculaire et la maîtrise de l’exécution, se greffe une approche picturale où les corps se figent dans la matière.

Les visages déformés par la glaise ravivent le souvenir de Josef Nadj et Miquel Barcelo, le danseur et le plasticien, lancés en 2006, au chœur de l’Église des Célestins, dans un mano a mano dantesque au pied d’un mur d’argile.

Les compositions sont souvent mémorables. L’effarant trio de ballerines contorsionnistes évoque les arachnides chères à Louise Bourgeois (1911-2010) ou les effigies organiques édifiées par Berlinde de Bruyckere. Les silhouettes de poussière renvoient aux potaches pétrifiés, affranchis de leur maître Tadeusz Kantor (1915-1990).

Et il y a ce tumulus mystérieux, malléable, tantôt mur végétal où s’enferrent d’infortunés grimpeurs, parfois opaque tsunami qui, à chaque reflux abandonne quelques dépouilles ou rebuts indestructibles.

Derrière ce maelstrom où la pensée se combine à la poésie, la fantaisie à l’engagement, se dégage une célébration de l’accomplissement collectif. Camille Decourtye et Blaï Mateu Trias fédèrent une bande de femmes et d’hommes, qui dressent leur génie et leur endurance, comme une dernière digue à l’effondrement.

Au terme d’une prestation harassante et grandiose, les saluts sont prestement assurés. Puis Les Baro reviennent en fanfare pour une procession chamarrée. Pas de doute, ces filles et ces gars sont en route pour la Cour d’honneur.

Cour du Lycée Saint-Joseph : 22H, jusqu'au 14 juillet.

Réservations : https://festival-avignon.com/fr/edition-2024/programmation/qui-som-348491

Photographies : Christophe Raynaud de Lage.

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