Café Müller en mode open bar

 

Artiste associé au Festival d’Avignon 2011, Boris Charmatz est l’artiste complice de l’édition 2024.

La transmission s’avère le point commun entre les trois propositions dirigées, à cette occasion par le danseur-chorégraphe. Au tout début du Festival, le stade de Bagatelle fut le théâtre de Cercles, initiation à la ronde pour plusieurs centaines de participants professionnels et amateurs. Puis ce même espace entre deux Rhônes, accueillit la transposition en plein air de Liberté Cathédrale.

Pour l’ultime volet du triptyque, Boris Charmatz transforme la FabricA en vaste studio de danse. Désormais à la tête du Tanztheater Wuppertal, fief de la légendaire Pina Bausch (1940-2009), le directeur salue son aînée à travers Forever, installation chorégraphique au cours de laquelle, sept heures durant, vingt-cinq interprètes performent, commentent, revisitent Café Müller.

Créée en 1978, cette pièce emblématique de la danse-théâtre travaille le désir, le conflit, l’isolement, ressassés, dans la vaste salle d’une brasserie, au son des airs d’Henry Purcell (1659-1695). Cet été, l’imposante porte à tambour est absente mais les tables et chaises sont au toujours au rendez vous de la version avignonnaise. Forever invite à une immersion dans Café Müller.

De 13H à 20H, le ballet ne s'arrête jamais.

Le mobilier est redisposé puis bousculé par près de 25 danseuses et danseurs parmi lesquels l’on retrouve des interprètes emblématiques : Nazareth Panadero, Héléna Pikon (véritable doublure de Pina), des membres du Tanztheater et des nouveaux venus : Boris Charmatz en personne ou cette longiligne cariatide, découverte dans Dancing Pina, documentaire réalisé en 2022 par Florian Heinzen-Ziob autour de la transmission du Sacre du printemps (version Pina) aux élèves de L’École des sables, fondée au Sénégal par la danseuse-chorégraphe Germaine Acogny.

Chaque exécution de Café Müller est assurée par une distribution différente. La remise en ordre du plateau s’accompagne de quelques interventions d’artistes emblématiques ou primo arrivants en lien avec Pina.

La spécificité et l'intérêt cardinal du dispositif, réside dans la liberté de circulation accordée au spectateur. Comme autrefois dans les cinémas permanents, l’on passe le temps qu’on désire et l’on se place où l’on veut dans la spacieuse boîte noire. A cet effet, l’on ne peut que conseiller une station en fond de scène, où l’on frôle les interprètes, leurs respirations, leurs impulsions, leurs transpirations.. . Puis une seconde cession au balcon, pour une appréhension englobante de l’ampleur de l’installation.

En fin d’après midi, ça se bouscule dans la fournaise extérieure. Il y a de l’engorgement dans le flux de spectateurs. De toute évidence, beaucoup patientent pour entrer, et d’autres rechignent à sortir,  à s’extraire de cette plongée inédite dans la mélancolie distinguée de Pina, l’introspection de ses interprètes et l’approche inouïe du travail du danseur.

Les chefs d'oeuvre ne meurent jamais, c'est ce que l'on vérifie tout au long de cette parenthèse édifiante et splendide.

La FabrikA : de 13H à 20H, (Entrée toutes les deux heures, du moins en début d'après-midi)

Réservations : https://festival-avignon.com/fr/edition-2024/programmation/forever-348871

Photographies : Christophe Raynaud de Lage

Interview de Boris Charmatz sur son statut d'artiste complice du Festival d'Avignon 2024.

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