Chacun a ses raisons

 

Présentée dans sa version intégrale lors du Festival d’Avignon 2021, Des Territoires, déploie une fresque familiale dans laquelle on peine à se dire je t’aime, sans cesser de s’aimer. Dans Lieux communs, nouvelle création du même Baptiste Amann, l’approche du noyau familial s’avère plus circonspecte.

Le spectacle s’ouvre à quelques minutes de la première publique d’une proposition théâtrale, inspirée par la défenestration d’une jeune femme. Le coupable-condamné, un homme noir, est l’auteur de textes écrits en détention et inclus dans la création. D’où la manifestation féministe qui perturbe le lever de rideau.

Cette entrée en matière devient le socle d’un récit polyphonique qui se partage entre les coulisses d’un théâtre, l’atelier d’un restaurateur de tableaux, un poste de police et un studio de télévision.

En chemin l’on découvre, notamment, que le père de la victime est le cacique d'un parti d'extrême droite. Mais l’on examine surtout les dommages collatéraux de ce crime, épinglé en fait-divers à sensation.

Racisme, violences intimes, emballement médiatiques, parcours de résilience, Histoire équitable, Lieux communs travaille l’air du temps. Baptiste Amman, multiplie les temporalités, les caractères et les points de vue. Ainsi, postures et imprécations s’estompent derrière des échanges, coups de théâtre, confessions qui tissent un réseau de complexités. L’intrication passe par la déclinaison de scènes de genres : discours, interrogatoire, débat radiophonique, interview en ligne, exposé documentaire.

La plume est sourcilleuse et vigoureuse, à l’image de cet échange autour de la restauration de Ivan le Terrible tue son fils, toile réalisé par le peintre russe Ilia Répine (1844-1930), exposé qui oblique peu à peu vers une délicieuse scène de séduction.

Vers la fin s’estompent parois et méandres du labyrinthe. Le verbe devient plus frontal, apologétique d’un lieu commun à l’écart des sédimentations et de la roche siliceuse dont l’érosion alimente le désert d’aujourd’hui.

Décidément Baptiste Amann sait conter de fortes histoires.

L'Autre Scène Vedène : 11h, jusqu’au 10 juillet.

Réservations : https://festival-avignon.com/fr/edition-2024/programmation/lieux-communs-348498

Le texte de Lieux communs est édité chez Actes Sud-Papiers.

Photographies : Christophe Raynaud de Lage.

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