Tiago trouve les mots

Chercher les mots. La phrase surmonte le programme du prochain Festival d’Avignon.

Tiago Rodrigues signe une 78ème édition forte de 37 projets, dont 83 % de créations, portés par des artistes qui cherchent des mots, des sons, des gestes et des images pour dire et habiter le monde.

Pour son second festival, le directeur confirme les occurrences de sa partition. A commencer par la présence d’un artiste complice. Associé au Festival 2011, Boris Charmatz revient avec trois propositions. A cette occasion, le chorégraphe retrouve le stade de Bagatelle, qui fut en 2011 le théâtre d’une intense Levée des conflits. L’espace entre deux Rhônes accueillera Cercles et des centaines de danseurs, pour trois rendus d’atelier autour de la pratique de la ronde. Dans la foulée, Liberté Cathédrale (photo), pièce pensée pour une église, sera transposée en plein air, au pied du Pont Daladier.

Désormais à la tête du Tanztheater Wuppertal, fief de la légendaire Pina Bausch (1940-2009), Boris Charmatz salue son aînée à travers Forever, installation chorégraphique au cours de laquelle, sept heures durant, vingt-cinq interprètes performent ou commentent Café Müller, pièce emblématique de la danse-théâtre (FabricA).

La mémoire, l’apprentissage constituent le socle de Transmission impossible, laboratoire d’idées animé par la chorégraphe Mathilde Monnier au sein de l’Église des Célestins ou dans Avignon une école, où sous le regard de Fanny de Chaillé, de jeunes interprètes livrent leur approche du Festival d’Avignon (Cloître des Célestins). Dans le même ordre d’idée, On ne fait jamais relâche désigne une exposition-hommage à Alain Crombecque (1939-2009), directeur du Festival entre 1985 et 1989 (Maison Jean Vilar).

Pour Tiago Rodrigues, le passé cimente le socle de l’innovation et la surprise.

 

C’est une affaire de couleurs. Au bleu profond, omniprésent sur l’Union Flag britannique et, par ailleurs, couleur cardinale de l’affiche 2023, succède le rouge-orange, propre à l’étendard de l’Espagne. Ainsi après l’anglais, l’espagnol sera, en juillet, la langue invitée par le Festival d’Avignon. A ce titre, La culture hispanique occupe près d’un tiers d’une programmation qui se partage entre l’Europe et l’Amérique Latine.

De ce continent, l’Argentine se taille la part du lion. Los dias afuera constitue le second volet d’un diptyque que Lola Arias consacre aux personnes cisgenres ou transgenres, victimes du milieu carcéral (Opéra). Les autochtones et cultures invisibilisées à l’épreuve de la colonisation et du capitalisme libertarien, charpentent Soliloquio et Wayqeycuma, seuls en scène animés par Tiziano Cruz, lui-même issu d’une famille indigène du Nord de l’Argentine (Gymnase du Lycée Mistral).

Dix-sept représentations dans des communes chaque fois différentes, l’écrivain-metteur en scène Mario Pensotti est à l’ouvrage dans le spectacle nomade du Festival. Une ombre vorace agrège deux monologues inspirés par l’ascension de l’Annapurna. Le récit d’escalade se fond dans la résurgence mémorielle et l’assaut d’une existence.

Sea of Silence définit le projet au long cours porté par Tamara Cubas, artiste uruguayenne attachée aux mouvements migratoires. La pièce créée cette année à la salle Benoît XII, met en jeu les témoignages de sept femmes issues de contrées éloignées. Enfin dans Reminiscencia (photo), le chilien Malicho Vaca Valenzuela, brosse le portrait de son quartier de Santiago, par le prisme des souvenirs récoltés par internet auprès des habitants (Gymnase du lycée Mistral).

 

C’est un flamenco métissé qui s’exprime dans The Dissapearing Act (photo), solo de Yinka Esi Graves, danseuse-chorégraphe née à Londres et d’origine ghanéenne et jamaïcaine (Cour du lycée Saint Joseph) ou lors du récital de Silvia Perez Cruz, la voix de la Catalogne, hôte de l’Opéra d’Avignon, le 21 juillet en clôture du Festival. Figure tutélaire de la danse d’aujourd’hui, La Ribot, pour sa première incursion au Festival, s’associe au chef d’orchestre Asier Puga, le temps de Juana Ficcion, évocation de la très discrète Jeanne de Castille, reine d’Espagne (1479-1555) (Cloître des Célestins).

Anton Tchekhov, William Shakespeare forment l'assise de La gaviotaLa Mouette adaptée pour des interprètes malvoyants par Chela De Ferrari (Autre Scène Vedène) et História d’un senglar où l’acteur catalan Joan Carreras s’embrouille avec Richard III (Salle Benoît XII).

Invitée à sept reprises depuis 2010, Angelica Liddell traverse les gouvernances (et les partitions) du Festival d’Avignon. De Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme (2011), où les films de Carlos Saura s’imbriquaient dans un abécédaire tout droit sorti d’une extravagance filmée par Peter Greenaway, jusqu’à Libestod (2021), jalonné de références à l’Odyssée de l’espace façon Stanley Kubrick, la performeuse sous-tend ses propositions par une solide cinéphilie. Le tropisme devrait se confirmer tout au long de Dämon (photo), création dans laquelle, flanquée de sa compagnie, des acteurs du Dramaten–The Royal Dramatic Theatre de Suède et de non-professionnels, l’artiste convoque la figure du maître cinéaste Ingmar Bergman (1918-2007).

Angelica Liddell accède pour la première fois à la Cour d’honneur du Palais des papes, espace fondateur du Festival d’Avignon qui, par la suite, accueillera le chœur de femmes de Mothers A Song for Wartime puis Elisabeth Costello, figure centrale de l’œuvre de J. M. Coetzee, portée au théâtre dans une création homonyme par Kryysztof Warlikowski.

La langue espagnole, Angelica et la cour au féminin développées par Tiago Rodrigues.

 

Raconter des histoires. Quelque peu négligés l’an dernier, le romanesque, la fiction, la saga au long-court, retrouvent une place conséquente dans la nouvelle édition. Sept ans après Saïgon, Caroline Guiela Nguyen retrouve le gymnase Aubanel. Lacrima (photo) suit la conception d’une robe de princesse, d’un atelier de broderie à Mumbaï, à une maison de haute couture parisienne, en passant par les dentellières d’Alençon. Plébiscité en 2021 avec Des territoires, Baptiste Amman livre avec Lieux Communs (photo), un thriller polyphonique qui examine les dommages collatéraux liés au meurtre d’une jeune femme (Autre Scène).

Pour son retour à Avignon, Séverine Chavrier plonge dans les contrecoups de la Guerre de Sécession, pierre angulaire de Absalon, Absalon! , adaptation du roman de William Faulkner (FabricA). Une installation sur le chagrin : Monte di Pietà, à la Collection Lambert, une fresque sur les procédures de comparution immédiate : Leviathan, au gymnase du lycée Aubanel, composent la double entrée de Lorraine de Sagazan au Festival d’Avignon. Pour la seconde année consécutive Gwenaël Morin réintègre le jardin de la rue de Mons, territoire des errances utopiques d’un Quichotte, incarné par une Jeanne Balibar, toujours friande d’expérience et d’excentricité.

Un an après l’avoir réveillée (après un sommeil de sept ans), Tiago Rodrigues investit la Carrière de Boulbon. Le directeur du Festival confie à la Comédie Française Hécube, pas Hécube, création qui met en abîme la reine de Troie, la tragédie d’Euripide et les tourments de son interprète.

Tiago Rodrigues revient sur sa passion de la narration tempéré par son refus de remplir des cases.

La section danse enregistre deux premières venues. Noé Soulier traverse l’Art de la fugue de Jean-Sébastien Bach, tout au long de Close Up, qui entremêle les corps et la vidéo (Opéra d’Avignon). Suivie depuis plusieurs années par les Hivernales d’Avignon, Anna Massoni, l’espace d’une Tentavive offerte par Vive le sujet !, travaille la répétition aux côtés de Ola Maciejewska, artiste polonaise acquise aux danses serpentines de Loïe Fuller(1862-1928) (Jardin de la vierge, lycée Saint Joseph).

Première venue suite, Mohamed El Khatib plonge son regard chaleureux et documenté dans La vie secrète des vieux, exploration conçue avec les habitants de Villeneuve les Avignon (Chartreuse). Les saltimbanques multicartes de Baro d’evel installent Qui som ? dans la cour du lycée Saint Joseph, pour la plus grande joie de Tiago Rodrigues, qui par ailleurs, place entre les deux platanes du Cloître des Célestins le Terminal, fable écologique imaginée par Inês Baraona et Miguel Fragata, artistes lusitaniens, découverts en 2018 dans le délicat et précieux Au-delà de la forêt, le monde.

Précipiter la découverte de ce que l’on ne connaît pas encore, demeure le mot d’ordre du directeur du Festival d’Avignon, qui dans un contexte peu propice à l’art et la culture, entend consacrer l'été avignonnais comme le fer de lance de l’exception culturelle française.

 

Festival d'Avignon 2024 : du 29 juin au 21 juillet.

Réservations : 

Actuellement :

Site Internet festival-avignon.com à partir de 13h
Prévente magasins Fnac Avignon-République et Le Pontet de 13h à 18h (adhérents uniquement)
Site fnacspectacles.com à partir de 18h

 À partir du 21 mai :

Téléphone 04 90 14 14 14, du mercredi au samedi de 13h à 19h

À partir du 25 mai :

Guichet Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, Avignon, du mercredi au samedi de 13h à 19h
+ Tous les magasins Fnac

À partir du 24 juin : 

Guichet et téléphone, tous les jours de 10h à 19h
Site Internet et application mobile 24h / 24h

À partir du 29 juin :

Pendant le Festival, toutes les ventes sont arrêtées 5 heures avant chaque représentation. Elles reprennent 1 heure avant, sur chaque lieu, dans la limite des places disponibles.

https://festival-avignon.com/fr/edition-2024/programmation/par-categorie?cat=1001

Photographies : Christophe Raynaud de Lage, Evangelos Rodouris, Luis Castilla, Francisca Razoto, Angelica Liddell, Anthony Folliard, Ilya Reprine, Yohanne Lamoulière, François Passerini, Barbara Braun.

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