Chasse à l’ombre

 

Sur le plateau : un intérieur, le mobilier limité à l’essentiel mais les murs tapissés de photographies, de cartes, d’extraits de presse.. . Espace intime, la pièce à vivre figure la sphère mentale de l’homme qui s’y introduit. Celui-ci entame la description minutieuse de la Danse macabre de Mengele, installation réalisée en 1986 par le sculpteur Jean Tinguely (1925-1991), en référence à une marque de machines agricoles très prisée en Amérique latine.

La construction agit comme un déclic chez le visiteur qui, par la suite, entreprend d’étudier l’échappée de Josef Mengele, dit le Médecin d’Auschwitz.

A la chute de nazisme, celui-ci passe entre les larges mailles du filet tendu par une nation allemande où l’amnésie générale est la condition sine qua non du retour à la cohésion nationale. En 1949, muni de faux papiers, le fuyard s’installe en Argentine. Par l’effet conjugué du boum économique et des scrupules évasifs de la gouvernance péroniste, le pays s’affirme comme la villégiature privilégiée des anciens serviteurs du IIIème Reich.

Dans une vigueur documentée, le narrateur restitue la fuite, la fortune puis, à partir des années 70, la traque de Mengele, lorsqu’en Europe une génération nouvelle décide de soulever la chape mémorielle.

De Buenos Aires, à Sao Polo en passant par l’Uruguay, le fugitif, sur la tête duquel pèse une récompense de plusieurs millions de dollars, évitera les chasseurs de prime mais n’échappera pas une ultime confrontation.

A la fois polar et récit d’aventure, le compte rendu s’expose, minutieux et haletant. Au fil des péripéties, se dessine les dommages collatéraux d’une idéologie qui catalyse nos instincts les plus vils, par la consécration de la haine et la ségrégation. Cette démonstration par l’Histoire acquiert une dimension particulière en ces temps de remontées saumâtres, à l’image du kyste qui obstrue un temps, les viscères du tortionnaire. Comme il est précisé à la conclusion : L’homme est une créature malléable. Il faut se méfier de l’homme.

Inspiré du récit d’Olivier Guez (Prix Renaudot 2017), adapté et interprété avec détermination mais sans affectation par Mikael Chirinian, La Disparition de Josef Mengele s’avère une proposition âpre, concise et plus que jamais salutaire.

Théâtre du Chêne noir : 18H, jusqu’au 21 juillet. Relâche le lundi.

Réservations : https://www.chenenoir.fr/event/la-disparition-de-josef-mengele/

Photographies : Jean-Philippe Larribe.

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