Drôles de gens que ces gens là

 

Si je t’aime prends garde à toi.

Dépouillée des harmonies de Georges Bizet, la phrase de Carmen se pare d'autres connotations. Jeanne Béziers revisite le livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, auquel elle adjoint les témoignages de résidentes du Relais des Possibles, foyer d’accueil sis à Aix-en-Provence.

Prends garde à toi ! instille ces récits de vie dans les émois et injonctions de la cigarettière de Séville. Don José le brigadier, Escamillo le toréro se confondent avec les H.P/P.N (Hommes Providentiels/Pervers Narcissiques) qui creusent les stigmates de Aïssatou ou Malika dont l'expression, révèle un vrai tempérament.

Jeanne Béziers travaille les airs de Carmen au prisme d’un piano, un embryon de batterie et un orgue de barbarie. Rompu à l’art lyrique et au théâtre musical, épaulée par le timbre tout aussi malléable de Isabelle Desmero, la chanteuse-metteure en scène organise une trame jalonnée de mélodies, d’apartés, de parlé-chanté.

S’il dote la proposition de la majesté gothique propre aux tragédies lyriques, le grand escalier qui domine le jardin du Musée Vouland,  introduit une patine glamour, héritée du music-hall. La tombée de la nuit enveloppe ce pasticcio engagé d’une splendeur vespérale que l’on ne retrouvera nulle part. Enfin, les costumes relèvent d’une distinction espiègle et surprenante.

Drôle de gens que ces gens là.

Une fois encore, Prends garde à toi ! souligne l’inusable modernité des chefs d’œuvre et distingue le regard singulier de Jeanne Béziers, qui martèle ses indignations sans se départir d'une dilection pour l'alchimie du chant et le bon usage des décalages.

Jardin du Musée Louis Vouland : 20h45, jusqu’au 21 juillet.

17 rue Victor Hugo. 04 90 86 03 79

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