Anatomie d'un stand-by

 

Tu n’as plus envie de poursuivre.

Après les dérives addictives du consumérisme (Les Choses 1965), le désastre de la guerre d’Algérie (Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour? 1966), Georges Perec (1936-1982) anticipe le burn-out et dissèque une dépression. Publié en 1967, Un homme qui dort est un texte rédigé à la seconde personne du singulier, au fil duquel un homme s’éveille un matin et décide ne pas se lever, d’évacuer les pleins et ne garder que les déliés.

Véronique Boutonnet reprend l’adaptation pour son film homonyme, réalisé en 1974 par Bernard Queysanne, .

A commencer par la voix féminine qui décline l'effacement au monde. Silhouette, spectre.., l’adaptatrice incarne à la scène ce regard extérieur, entomologiste rigoureuse d’une entrée dans la vie végétale.

Richard Arselin dote d’un port atone, cet étudiant ballotté, semble-t-il depuis des lustres, dans le stand-by.

Dilection pour les topographies, des quartiers de Paris jusqu’à la chambre de 2,94 sur 1,73 mètres, où marinent quatre paires de chaussettes dans une cuvette en matière plastique rose. Attachement aux listes et inventaires, vocabulaire précis, phraséologie épurée, mouchetée de quelques enluminures de cruciverbiste, le rapport scrupuleux synthétise la plume pérécienne.

La litanie s’illustre dans une chorégraphie picturale qui renvoie parfois aux visions mentales de David Cronenberg, notamment Spider (2002) et son protagoniste, submergé de réminiscences intérieures.

Soigneusement travaillé, l'expressionnisme des lumières compense certaines ponctuations musicales surlignantes et quelques accès déclamatoires en contrepoint avec le méthodisme lancinant de la recension.

Rarement transféré au théâtre, cet Homme qui dort constitue une ouverture loyale au génie multiforme et inépuisable de l’auteur de La Vie mode d’emploi.

Théâtre Transversal : 19H45, du 29/06 au 21/07. Relâche le mardi.

Réservations :  https://theatretransversal.com/

 

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