On serait dans un café. Le patron derrière son comptoir, le serveur entre les occasionnels d’un soir et les habitués, incrustés dans leur solitude. Surgit Sosthène, un pilier, une colonne de bar, lointain descendant de Rabelais, proche cousin du Singe en hiver, enfanté par Blondin, reconditionné façon Audiard.
Le bonhomme peste, éructe, agonise l’homo roupillus, planté dans ses pantoufles, rivé au canapé, qui se tripote le portable, paluche sa trottinette électrique. Autant de connerie, c’est de l’harmonie !
Il faut dire que Sosthène (c’est son nom), lui, revient du Cosmos où, entre deux infusions de cratère de lune, il tutoie les dieux de l’Olympe.
De panégyriques en anathèmes, d’un blanc velouté au rouge corsé (car du vrai vin s'écoule des carafes) l’imprécateur torpille la torpeur noctambule. En conséquence, le bistrotier réaccorde son violoncelle et le loufiat, ressort son saxophone.
Avec Vertébré, Alexandre Tran exalte la rêverie, galvanise la langue, célèbre le discours. Son soiffard céleste réveille les souvenirs de Lisa Guez. La metteure en scène lui bricole un écrin, une tribune à la mesure de sa rhétorique stellaire, une antidote, un exorcisme à la glaciation technologique.
Dans les basques de Sosthène, il est bon de lever les yeux de son verre (ou son écran) pour voir un peu plus haut et titiller les sommets.
Rencontre avec Lisa Guez et Alexandre Tran, après la la création de Vertébré, en mai dernier à la Garance-Scène nationale de Cavaillon.
Vertébré : du 10 au 21 juillet, 20H, Théâtre des Carmes. Relâche le mardi.
Réservations : http://theatredescarmes.com/
Photographies : Clara Normand.