Un faux pas dans la vie d’Emma Picard adapte un livre publié en 2017 par Mathieu Belezi.
L’Algérie, la colonisation française, irriguent l’œuvre de l’écrivain. Aux évènements, tardivement renommés guerre d’Algérie, à la fin de l’Algérie française, Belezi privilégie les origines et dissèque la conquête d’un pays, la spoliation d’un peuple par des colons grisés par le mirage d’un nouveau monde.
A l’orée du spectacle une femme veille un berceau. Elle se raconte au pied de la couche tachée de sang. Dans les années 1860, Emma Picard, paysanne, veuve, mère de quatre enfants, accepte les 20 hectares de terroir algérien que lui octroie le gouvernement français.
Sur place, la famille est prise en charge par Mékika qui, contre gîte et couvert, propose son expérience et sa force de travail. Une fois installée, Emma se met à la tâche. Non seulement il ne la rebute pas ; mais le labeur, elle connaît. Malgré le gel et les canicules, la fermière franchit les obstacles. Même qu’elle se dégote un amoureux. Mais le destin veille aux calamités.
Saisi dès les premiers mots par le timbre et la voix de Marie Moriette, l’on suit le calvaire de cette famille tanquée sur une terre qui ne donne rien et ne veut rien donner. Avec l’infortune, s’éloignent des proches et pointent les usuriers. Le curé prêche un dolorisme, gage de rédemption, les chers compatriotes se repaissent de la pauvreté. Il y a encore ces hordes de miséreux, décharnés eux aussi par l’ingratitude du sol, l’intransigeance des éléments et l’indifférence des possédants.
Au delà de la colonisation, Mathieu Belezi anatomise les multiples abords d’une migration. Emma n’est en rien une prédatrice mais une exilée, une primo-arrivante, désireuse de se creuser une place, de façonner une vie décente pour elle et ses enfants, sans abstraire l’inclusion et le partage avec les autochtones.
Emma était-elle une exception ? Quoi qu’il en soit, il est inutile de préciser que le faux pas du titre relève d’un dur euphémisme, exposé ici par une interprète exceptionnelle.
Théâtre Transversal : 16H20, jusqu’au 21 juillet.
Réservations : https://theatretransversal.com/
