Je suis une marchandise qui parle.
Proférée ad libitum, la phrase accompagne l’installation des spectateurs. Sur le plateau il y a tout un barda, un mur de cartons barre l’horizon. De cette machine à jouer émerge un couple. Berthe et Alexandre ont faim. Un poissonnier aiguise leur appétit. Mais le poisson à un prix et les tourtereaux n’ont pas d’argent. Pour l’acheter, Alexandre décide de se vendre.
Le Capital en 75 minutes, le sous-titre pourrait accompagner cette fable irriguée par la pensée de Karl Marx (1818-1883). A l’origine commande de la ville du Havre, Emballage fut écrit et créé en 1970 par André Benedetto (1934-2009). En 2009, l’auteur amenda sa partition à l’aune de la mondialisation. La révision aboutit à : Emballage, 40 ans après c’est pire. Seize ans plus tard, Marie Hurault et ses camarades de La Parole Rouge, appréhendent le conte, au prisme du mouvement Mee-Too et des menaces sur l’écosystème.
Aux côtés de Renaud Gillier et Salvatore Franco, la comédienne anime une sarabande didactique, chamarrée de chansons, de lazzi et de jeux d'accessoires. Biberonné à Carlo Goldoni (1707-1793) et Dario Fo (1926-2016), rompu aux spectacles de tréteaux et au théâtre d’idées, le trio emballe son monde dans des concepts où la force de travail se collette à l’hydre du capital.
Si dans la tragédie, (presque) tout part de la famille, que serait la pensée politique sans la lutte des classes ? La question plane à la sortie d’Emballage. Et lorsqu’on apprend que Marie est la petite fille de Bertrand Hurault, cofondateur avec Benedetto du Théâtre des Carmes, l’on se dit que, tout là-haut, les deux compères doivent se délecter de cette proposition reconditionnée.
Emballage : 13H30, du 5 au 14 juillet (relâche le 8), Théâtre des Carmes.
Réservations : https://www.theatredescarmes.com/
Photographie: Jérôme Rey.