A l’ouverture de Cendres de Marbella, on n’en mène pas large. Cagoulé, immobilisé sur un fauteuil roulant, un homme reste en silence. Puis il prend la parole. Ziz est son nom, il a vécu son début de vie dans une cité de la ceinture rouge qui, des années 60 aux années 90, enserrait la Capitale. Par le deal, il pousse vers le centre et ses beaux quartiers. Bosseur, fiable, il va jusqu’à Marbella, plaque tournante des approvisionnements. Mais de gros coups en coups durs, de séduction en trahison, Ziz se retrouve là, immobile et privé de liberté. Dans Gardien du temple, Ziz plus avisé, délaisse le deal pour l’immobilier. Dans cette activité plus paisible et néanmoins juteuse, il monte à nouveau très haut. Mais les fantômes rodent et la brutalité demeure.
Il y a beaucoup de Ziz dans le parcours d’Hervé Mestron. D’origine Kabyle, issu de la troisième génération d’émigrés, l'auteur s’est sauvé par la lecture et l’écriture. Outre un réalisme qui relève du vécu, le diptyque témoigne d’un art du récit et d’un goût pour la langue. On écoute Ziz, on voit des images venus de toutes parts, comme si Les Misérables de Ladj Li (2018) percutaient le Doulos (1962) de Jean Pierre Melville ou Razzia sur la chnouf (1953) d'Henri Decoin.
La force de Ziz passe la puissance distanciée de son langage et l’engagement de Nicolas Zaaboub-Charrier. Venu lui aussi des périphéries, l’acteur explose le plateau à travers l’astucieuse mise en scène de Pascal Antonini qui transporte la narration au centre de sa tête. Nourri par la vie, les classiques du roman noir, du cinéma criminel, avec un zeste de terreur et d’anticipation, l’itinéraire de Ziz prend l’allure d’une épopée qui ressemble, qui secoue mais ne nous lâche pas.
Cendres de Marbella du 7 au 27 juillet, jours impairs, 16H25.
Gardien du temple du 8 AU 28 juillet, jours pairs, 13H
Relâche les 16 et 23 juillet.
Artéphile Théâtre.*
Rencontre avec l'équipe des deux spectacles, le jeudi 15 juillet, 20H30, Artéphile Théâtre.