C’est une opérette, une vraie, interprétée par un quintet de chorus girls qui poussent de la glotte et lèvent haut la jambe. Les tempi sont allègres, les mélodies fredonnantes et les paroles terrifiantes. C’est L’Opérette à Ravensbrück.
Saluée comme ethnologue et résistante, Germaine Tillon (1907-2008) repose depuis 2015 au Panthéon. Arrêtée en 1942 par la Gestapo, elle fut internée, de 1943 à 1945, dans le camp de Ravensbrük. Sur place elle devint Verfügbar, affectée aux tâches les plus pénibles des stalags.
En 1944 Germaine Tillon rédige le livret d’un spectacle musical. Dans Le Verfügbar aux enfers, l’anthropologue décrit les processus d’humiliations avec la rigueur scrupuleuse qui animait déjà ses études sur les populations maghrébines.
Si la précision relève du documentaire, l’humeur se veut badine, voire enjouée d’autant que les paroles s’enveloppent dans les refrains de chansons à succès. Les abominations se chantonnent. Dans des situations effroyables, désespérées, la distance humoristique proclame l’intelligence, affirme l’élégance, contribue à la survie. Rire pour ne pas mourir.
Didactique et échevelé avec ballet et musique live, L'Opérette à Ravensbrûck est un témoignage inestimable, indispensable en ces temps de résurgences des pensées les plus rances. Lorsque tant de ricaneurs s’autoproclament humoristes, voilà une revue musicale, salutaire et de haute volée.
L'Opérette à Ravensbruck : 10H30, Théâtre du Chien qui fume, jusqu'au 29 juillet, (relâche le mercredi).