Un peu d’histoire. En janvier 1986, Serge Valletti vit à Paris. Il convainc Monsieur Santino de l’accueillir en spectacle, deux soirs par semaine dans son bistrot du Faubourg Saint-Antoine. Sa proposition acceptée, il ne lui reste qu’à s’écrire une partition.
Au bout du comptoir, la mer, son auteur l’a joué plus de deux cents fois dans des lieux souvent improbables ; jusqu’en juillet 1999, à Avignon, rue de la Bonneterie, à l’intérieur d’une ancienne pâtisserie requalifiée en restaurant.
Vingt six ans plus tard, le désormais résident de la Cité des papes, se tanque au comptoir de la Chapelle Sainte-Claire, foyer du Théâtre des Halles. Entre-temps, la crinière s’est blanchie et la silhouette enrobée, mais le bonhomme est toujours sapé comme un Milord. Ou un animateur de Casino.
Au terme de la nuit, en attendant Dario (le barman), Stéphane débriefe la soirée, l’enfilade des numéros, dont un comique télépathique (passablement escagassé), les incroyables (et impayables) antipodistes de Montolivet.. . Ces prestations, le Monsieur Loyal les a introduites, comme tous les soirs, accompagnées d'un calembour ou d'une fine imitation.
Copieusement arrosé, car Dario reste hors des radars, le compte-rendu s’émaille de souvenirs, d’anecdotes. Le goût pour la peinture, les aspirations shakespeariennes, l’attrait du cinéma, quelques réminiscences légionnaires.., pigmentent la recension aux allures de confession.
Comme dans chacun de ses soli, Serge Valletti incruste du malaise dans la galéjade, brouille le rationnel par l’affabulation. L’interprète restitue sans affect le lyrisme de l’ivresse, tout au long de l'anatomie d’une solitude, imbibée de truculence, trempée dans la mélancolie.
Dans Au bout du comptoir, la mer, Valletti dit Valletti. Il s’amuse avec l’âge et, par ce salut aux feux flageolants des revues de Music-hall, exprime son empathie pour les bas de l’affiche. Ces baladins de seconde main dont la trajectoire chaotique ne peut s’imputer qu’à la malchance et l’incompréhension.
Le succès facile détruit l’artiste!, proclame ce perdant pittoresque, poignant, à défaut d’être magnifique. L’on n’y croit pas vraiment mais l’on acquiesce à deux mains. Car autour du zinc, gesticule un oiseau de nuit qui justifie toutes les bordées.
Au bout du comptoir, la mer : les jeudis 19 et 26 juin + le 3 juillet 19H, Maison des Fogasses Avignon.
Réservations : 04 90 87 25 02.
Photographie : Richard Patatut.