A ses débuts, il s’est longtemps avancé, dissimulé sous les piques emperruquées de Catherine. Aux côtés de Liliane (Bruno Sanches), Alex Lutz forma un duo de secrétaires, intarissables papoteuses, durant sept saison (2012-2017) sur Canal+.
Le succès du petit écran se prolongera en une poignée de seuls en scène humoristiques, prisés aussi bien par les plateaux privés que les scènes nationales. En parallèle, au cinéma, il apparaît dans des comédies à la française dont OSS 117 : Rio ne répond plus (Michel Hazanivicius 2009) où il personnifie un thuriféraire allumé et redoutable du IIIème Reich. En 2018, avec Guy, il interprète et signe un second long-métrage, savoureuse parodie-hommage aux crooners de fond, façon Frédéric François ou Franck Michael.
Son inclination pour l’ambivalence transparaît, par ailleurs, au théâtre dans l’adaptation de Snow Therapy, premier film du suédois Ruben Östlund, futur auteur de The Square (2017) et Sans Filtre (2022). Elle s’épanouit sur les écrans à travers le manager sociopathe de Dérapages (2020) d’après Cadres noirs, roman de Pierre Lemaître, le fils débordé par ses parents (Françoise Lebrun, Dario Argento) dans le bouleversant Vortex (Gaspard Noé 2021) ; ou encore le commissaire priseur-transfuge de classe, figure centrale du délectable Tableau volé de Pascal Bonitzer (2024).
Le 17 janvier à l’Auditorium Jean Moulin (grand résistant s’il en est), Alex Lutz portera une parole féminine mais, ce soir là, sans fard ni artifice. Pour Vel’d’Hiv, Sébastien Lévy s’est plongé dans les archives du Mémorial de la SHOAH. Missives intimes, documents administratifs, notes d’observation se combinent dans les témoignages de Antonina, Anna, Ettel, Fernande. Par la voix de ces mères, filles, femmes, sœurs, se reconstitue la Rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, où plus de 13 000 personnes, dont près de 6000 femmes, furent parqués avant déportation par la police française.
Tour à tour effarés, révulsés, agonis par la barbarie nazie et la servilité collaborationniste, ces accents charpentent un témoignage choral.
Créé à Paris par Alice Taglioni, Vel’d’Hiv est en tournée, interprété par Alex Lutz. Timbre profond, diction mesurée, l’acteur, à l’origine metteur en scène du spectacle, s’empare de l’accablante polyphonie. Derrière le bureau de son cabinet de lecture, les paroles s’enchaînent à des projections de documents d’époque qui remémorent le contexte. S’y greffent des pauses musicales signés Bach, Beethoven, Schumann, sublimes hérauts de la culture germanique. La Beauté ne préserve en rien de l’abominable, l’évidence émane de ces interludes.
A l’heure où le décès d’un politicien abject est requalifié par notre Premier Ministre de disparition d’un combattant, d’une figure de la Vème République, Vel’d’Hiv indigne et pétrifie autant qu’il ravive les mémoires et réveille les vigilances.
Vel’d’Hiv : vendredi 17 janvier, 20H30, Auditorum Jean Moulin Le Thor
Réservations : https://auditoriumjeanmoulin.vaucluse.fr/programmation-tout-public/vel-dhiv-3752.html