Mars 2011, quelque part au Japon, Yoriko est en cuisine et Ayato, son fils, végète sur le canapé. Dès son arrivée, Osamu, le père, allume les chaînes-info qui détaillent les dommages provoqués par le récent tsunami, sur une centrale nucléaire sise sur la côte est de l’île de Honshù, à 200 km de Tokyo.
Première ellipse, quelques temps plus tard, Yoriko vit seule avec Ayato. Caissière dans un supermarché, elle cherche apaisement auprès d'une association : L’Eau de la vie verte et dans l’entretien d’un kare-sansui, jardin de graviers qu’elle a substitué aux plantations multicolores qui égayaient sa petite closerie.
Nouveau raccourci : Yoriko empile les bouteilles à la maison et les lignes d’eau à la piscine. Ayato n’est plus là ; mais Osamu réapparaît, porteur d’une funeste nouvelle.
Est-il utile de préciser qu’en dépit de son titre, Le jardin zen respire peu la zénitude ?
Le neuvième film (et premier distribué en France) de la réalisatrice Naoko Ogigami, se distingue par son découpage elliptique, qui laisse au spectateur le soin de combler les syncopes de narration. Par delà cette sollicitation rémanente, le récit aligne apparitions, réapparitions, et quelques vicissitudes qui soutiennent la sagacité pendant les 120 minutes de la projection.
Autre atout majeur : la prestation de Mariko Tsutsui. Découverte dans Harmonium (2016) puis L’Infirmière (2019) , deux perles corrosives signées Kôji Fukada, l’actrice fond la plasticité de ses traits et les nuances de son jeu, entre détresse et burlesque, dans cette femme en proie à de multiples influences. La réalisation règle son pas sur le quotidien contrôlé de Yoriko. D’une précision cadencée, la ligne claire met toutefois en évidence les malaises et névroses tapis derrière les tracés du jardin, les intérieurs impeccables et les cartons de boutanches soigneusement entreposés.
Chronique familiale, comédie de remariage, dissection mentale, drame social.., Naoko Ogigami convoque et divertit les genres tout au long du parcours chaotique de cette ménagère rétive et bornée, trublionne livrée à elle-même au sein d'un entrelac de bienséances et traditions.
Dans le sillage des fables caustiques de Fukada, Le jardin zen assaisonne d’humour noir le traumatisme et les séquelles de la catastrophe de Fukushima. En chemin, le conte secoue la mélancolie contemplative propre à un certain cinéma nippon et au bel ordonnancement de la société japonaise.
A la toute fin, la réalisatrice et son actrice bidouillent un baisser de rideau caliente et détrempé. Épilogue altier et improbable à un chemin de vie qui dérape, déconcerte, amuse et au final émotionne et ravit.
Photographies : Hana Bi Distribution.