Avant la retraite

Actualité du 16/06/2023

Les bons films de genre se reconnaissent souvent, par leur capacité à distordre ou renouveler les stéréotypes dans lesquels ils évoluent. Carrure massive, mâchoires carrées, contrairement aux apparences, le commissaire Franco Amore (Pierfrancesco Favino), cultive des valeurs aux antipodes de l’Inspecteur Harry ou autre flic dessoudeur. Le limier s’apprête, en effet, à boucler 35 ans de carrière, sans avoir utiliser son arme de service.

Il n’est en pas de même pour son beau papa, affairiste à l’éthique plus évasive, qui le met en contact avec le parrain d’une antenne de la mafia chinoise. En guise de prime de départ et pour complaire à sa jeune moitié, Amore accepte d’escorter une inconnue, dès son arrivée à l’aéroport de Milan. Le commanditaire accepte ses conditions, un collègue fiable entre dans la boucle. Pour son ultime vacation, le ménage s’annonce sans histoire.

Jusqu’à ce que.. .

Après deux productions internationales dont Paradise Lost (2014), biographie du narco-trafiquant Pablo Escobar, le romain Andréa Di Stefano réintègre sa culture d’origine. Par le charivari de la partition et les lustres baroques des scènes nocturnes (le générique d’ouverture est proprement somptueux), Dernière nuit à Milan, salue l'expressionnisme des giallli italiens, plus particulièrement les films de mafia, dont les meilleurs furent souvent signés Damiano Damiani (La Mafia fait la loi 1967, Confession d'un commissaire au procureur de la république 1971, Un Juge en danger 1977…).

A rebours de ces influences, le couple central s’éloigne des sentiers battus. Présentée comme une basic material girl, Viviana (Linda Caridi), s’avère attentive à sa famille et active aux fourneaux. Lorsqu’elle offre un plat cuisiné au caïd chinois, la comédie s’invite dans une entrevue qui s’annonce tendue. Plus tard, l’épouse deviendra un recours, dont la vivacité d’esprit n’a d’égale que la pointe de vitesse.

S’il tarde à se mettre en place, le récit prend son essor au fur et à mesure que la nuit avance. Sans s'écarter d'une portion d'autoroute, Di Stefano tient son monde en haleine, en jonglant avec la chronologie et les points de vue.

Fils prodigue, emporté dans les boyaux des venelles napolitaines (confer le très beau Nostalgia de Mario Martone, diffusé en début d’année), Pierfrancesco Favino calcule et joue des coudes tout au long de ce cauchemar nocturne, qui vire à la chronique d’un effondrement, avant de se dissoudre dans la parabole biblique. Au même titre que Misanthrope (Damián Szifron), toujours sur les écrans, Dernière nuit à Milan est un film criminel au diapason de notre temps.

Photographies: Universal Pictures.

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