Comme une image

Actualité du 20/04/2023

Première image, premier tableau : par un long crépuscule d’été, une silhouette se distingue, tapie sous les hautes herbes d’un pré pas encore fauché. A contre cœur, Cait rejoint ses sœurs et ses parents pour le repas du soir. Mutique, rêveuse, fugueuse.., Cait est le vilain petit canard d’une famille de fermiers irlandais, fondée par un père hermétique à tout instinct paternel et une mère, dépassée par les tâches du foyer et l’inconstance de son époux.

L’arrivée imminente d’un petit dernier, incite les parents à confier, durant les vacances d'été, la gamine décrétée ingérable à Eibhlin, une cousine de la mère qui, avec Sean, dirige une ferme à quelques heures de route. Déposée par son paternel qui décarre aussitôt, l’enfant encaisse l’indifférence appuyée de Sean, contrebalancée par le sourire d’Eiblhin.

La valise de Cait est repartie dans le véhicule familial. Qu’importe, après un bain chaud, la fillette aura des vêtements certes un peu amples mais propres. La maison modeste et néanmoins lumineuse, devient peu à peu un palais des merveilles pour la fillette qui justifie l’épuisement de sa mère mais garde le silence sur les négligences du père. De même Cait s’interroge sur ces habits masculins qu’on lui a réajustés. Mais c’est une autre histoire… .

The Quiet Girl s’inspire de Foster (adoptive), nouvelle écrite en anglais par Claire Keegan, réécrite en irlandais par Colm Bairéad. Le scénariste-réalisateur respecte le récit à la première personne et fixe sa caméra à hauteur de l’enfant. Visage en porcelaine, regard à la fois candide et profond, la toute jeune Carrie Crowley restitue dans une justesse éblouissante, l’éclosion de Cait, qui parle peu, mais écoute, perçoit et finit par comprendre pas mal de choses.

Dans le salon, la radio et la télé distillent des jeux télévisés ou des nouvelles de Bobby Sands, militant républicain, en gréve de la faim contre les rétorsions de Margaret Thatcher. Nous sommes à l’orée des années 80, à l’aube de mutations dont la fillette ne saisit que quelques bribes. Le pays gronde mais la parenthèse reste enchantée pour Cait qui s’épanouit entre un gâteau égaré sur le bord d’une table et un sprint chronométré jusqu’à la boîte aux lettres.

The Quiet girl respire une simplicité et une délicatesse, dont l’évidence défit les analyses critiques. Donc, mieux vaut en rester là et retourner voir ce beau film, mélancolique et lumineux, qui touche à des sommets d'émotions avec des presque riens, pourtant si essentiels.

 

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