Comment s’en débarrasser

Actualité du 02/08/2023

Pour mettre un morceau de viande dans le prochain repas, Hassan accepte la besogne que lui propose un caïd de Casablanca. Afin de mener à bien l’enlèvement d’un ancien homme de main, passé dans un clan adverse, le mandaté se procure un véhicule et mobilise son fils, Issam.

Le rapt se déroule comme prévu, sauf que la masse imposante de la victime s’insère difficilement dans le mini-cube des assaillants. A l’arrivée, c’est un corps asphyxié qui est livré. S’impose alors une mission de prime urgence : la disparition du macchabée.

Les Meutes s’apparente à un voyage au bout de la nuit, que Kamal Lazrak inscrit dans les codes du polar et les préceptes néoréalistes. Tourné entièrement en extérieurs, le film mobilise des interprètes majoritairement non-professionnels, à commencer par Ayoub Elaid (Issam) et Abdellatif Masstouri (Hassan). Le visage séraphique du fils s’oppose au faciès raviné du père. Dans le même parti pris, la macabre équipée dessine une sidérante galerie de trognes, burinées par des conditions de vie aussi brutales que précaires.

Aussi patibulaire que pittoresque, la procession multiplie les épisodes contrastés, parfois à lisière du bizarre et du fantastique (les milices paysannes, le garagiste illuminé…) ou franchement burlesques (le pêcheur et sa barque récalcitrante).

Kamal Lazrak agrège ces matériaux composites dans un panorama du quart-monde de Casablanca. Des gens de peu qui, sous le joug de la misère et la désespérance, évoluent au franges de l’humanité. Pourtant Dieu et les Frères apparaissent au détour de chaque échange. Le religieux devient aiguillon narratif et culmine à l’ubuesque lorsque Hassan décide de laver le cadavre avant de l’escamoter.

Tension constante, dilemmes personnels, anecdotes tragi-comiques, considérations sociologiques, Les Meutes intègre ces paradigmes avec brio et intelligence. Avec son duo de Sisyphe-Branquignols, le film devient une frasque initiatique, au fil de laquelle, les regards que Issam adresse à Hassan, témoignent de la dévotion qu’un fils porte à son père autant qu’ils décrètent son affranchissement.

Décidément, Kamal Lazrak est un réalisateur à surveiller. Et son coup d’essai est en pôle position pour le Polar de l’été.

Photographies : Mont Fleuri Production, Barney Production, Beluga Tree

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