Conduite accompagnée

Actualité du 24/08/2021

Une Saab 900 rouge, pas vraiment un personnage mais un trait d’union entre les divers chapitres de Drive my car. Dans son automobile vintage Yusuke. acteur-metteur en scène de théâtre, échange avec Oto son épouse autrefois actrice, désormais scénariste. A la suite du générique qui défile après 40 minutes de projection, l’on retrouve Yusuke et son auto, deux ans plus tard à Hiroshima. Le dramaturge prépare une production de Oncle Vania, pièce d’Anton Tchekov. Les règles contractuelles lui attribuent un chauffeur, en l’occurrence la silencieuse Misaki. La Saab rouge toujours elle, s’affirme comme l’accessoire essentiel du dernier tiers d'un récit qui se prolonge jusqu’aux neiges d’Okkaido.

Pour Drive my car, le réalisateur Ryusuke Hamagushi fusionne plusieurs nouvelles de l'écrivain Aruki Murakami. Cet assemblage explique la durée (2H59) et le déroulé hétérogène. Le film s’ouvre sur un enchaînement d’évènements conclu par un radical coup de théâtre. Après le générique, la partie « Hiroshima » s’attarde sur la préparation d’un spectacle : constitution de la distribution, lectures à la table, répétitions … . Le processus s’interrompt le temps d’une échappée hivernale, indécise comme un road movie.

Outre la Saab écarlate, Drive my car est traversé par des êtres en quête de vérité : de l’acteur en recherche de son personnage au veuf confronté à des secrets perdus à tout jamais. Face à ces trous noirs, ces impossibilités chacun se débat, se débrouille, l’une se retire sans le silence, l’autre approche l’amant de son épouse.. . Le désarroi ambiant résonne avec la mélancolie désenchanté d’Oncle Vania, le métayer harassé, cher à Anton Tchekov.

Tout cela paraît très éclaté et pourtant tout se tient, relié par une ligne claire qui passe par une chambre à coucher, une salle de travail, le comptoir d’un hôtel, l’habitacle d’une automobile. De l’interprétation à la mise en scène, jusqu’à la lumière et la direction artistique, Drive my car chemine de l’affliction à la résilience dans la douceur et l’attention, la profondeur et la discrétion. Au début on est perdu mais intrigué. A la fin on est conquis et transporté…., dans une Saab 900 rouge bien entendu.

Grand film !

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