Contes en archipel

Actualité du 06/08/2025

 

Révélé avec Jar City (2008), adaptation d’un polar best-seller de son compatriote Arnaldur Indriôason, Baltasar Kormàkur associe depuis aventures et actions, au fil de productions situées dans son Islande natale (Survivre 2012) ou de projets à vocation internationale : 2 Guns (2013) interprété par Mark Wahlberg et Denzell Washington, Beast (2022) avec Idris Elba. Mais cette fois, le filmeur surprend son monde et se pique de romance sur fond de grande Histoire.

Inspiré de Snerting-Contact(2020), roman qu’il adapte avec l’auteur  Ólafur Jóhann Ólafsson, Touch s’attache à l’itinéraire de Kristofer (Egill Olafsson). Conscient que son esprit et ses souvenirs lui échappent, le septuagénaire ferme sa taverne islandaise et s’envole pour Londres. Au cœur d’une cité masquée et confinée, le voyageur se rend en pèlerinage dans une échoppe qui abrita, cinquante ans auparavant, un petit restaurant japonais.

Sur cet axe de départ, le récit alterne les temporalités. La nostalgie crépusculaire du vieil homme balance avec les impulsions d’un jeune étudiant scandinave (Pàlmi Kormàkur), grisé par les frasques pacifistes du couple John Lennon-Yoko Ono et le joli sourire de Miko (Kôki Kimura).

Quelque peu systématique, le va-et-vient mémoriel bénéficie néanmoins d’une caractérisation attentive, en particulier le chef Takahashi-shan (Masahiro Motoki), père de Miko et patron exigeant mais bonhomme de l'établissement. Se greffe, d’autre part, un récit d’apprentissage au cours duquel un jeune homme en rupture de hautes études économiques découvre une culture à travers l’étude de sa langue et ses coutumes culinaires.

Rétro et charmant, le chromo s’embrume, cependant, avec l’évanouissement mystérieux de Miko et son paternel. En cet instant, le pèlerinage de Kristofer se mue en une enquête qui l’envole vers Tokyo. Le segment japonais dote l’intrigue d’une envergure inédite où, à l’épreuve des dévastations de l’Histoire, la romance se métamorphose en destinées tragiques.

D’une sobriété implacable jusqu’au bouleversant, les ultimes séquences entrent en résonance contradictoire avec l’actuelle résurgence des phraséologies va-t-en guerre, concomitantes de l’expansion des conflits armés. À la barre de sa métaphore picaresque, Baltasar Kormakur dose l’efficacité et la nuance. Ainsi, de l’Islande au Japon, Touch déroule un cheminement délicat, édifiant et exemplaire ; une belle fable en archipel.

Photographies : Condor Films.

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