Amants repose sur un triangle amoureux et un découpage en trois actes. Au sommet du polygone : Lisa (Stacy Martin), dans le premier segment, elle partage depuis toujours un lien passionnel avec Simon (Pierre Niney). Ensemble ils vivent d’expédients. Pendant qu’elle fréquente une école hôtelière, il deale dans les quartiers chics de la capitale. Un accident entraîne la séparation. La seconde partie débute quelques années plus tard sous le soleil des tropiques. Mariée à Léo (Benoît Magimel), Lisa coule de confortables vacances sur les plages de l’Océan indien. L’acte final débute plusieurs mois plus tard dans les neiges des Alpes suisses.
Nicole Garcia aime les lumières basses, les ambiances nocturnes, les décors brumeux. Dans Amants Paris baigne dans la grisaille, l’orage gronde sous les tropiques et les journées sont courtes dans l’hiver suisse. Des ambiances entre chien et loup traversées d’êtres opaques. On parle peu chez Nicole Garcia, on s’en tient aux banalités, on s’affaire sur le quotidien et on regarde ailleurs. Au spectateur de décrypter pensées et sentiments.
Dans une structure de thriller, la tension s’ajoute à l’incertitude, en particulier chez Léo, dont on peine à savoir s’il sait, s’il subit ou s’il complote. Une chose est certaine dans Amants on s’aime mais pas de la même façon. En particulier Lisa, écartelée entre ses élans fusionnels vers Simon et la complicité apaisée qui l'unit à Léo. Pas de stéréotypes ni manichéisme parce que l’amour, même au cinéma ça peut être compliqué.
De son passage comme actrice chez Bertrand Tavernier (Que la fête commence 1975), Claude Sautet (Garçon 1983), Alain Resnais (Mon oncle d’Amérique 1980), Michel Deville (Péril en la demeure 1985), Nicole Garcia réalisatrice a conservé le goût de la narration, l'art du cadre, la pratique de l'ambivalence ancrée dans une confiance inébranlable à l’égard de l’image et des acteurs. A Pierre Niney l’instabilité, Benoît Magimel le mystère et Stacy Martin l’indécision. Au spectateur d’effectuer le reste du chemin, de combler les vides, d’abonder en suppositions et d’échafauder les constructions mentales qui déterminent les uns et les autres. Rien n’est sur, rien n’est acquis. Comme dans la vie.
"Partition amoureuse à trois", à la fois simple et complexe, Amants respire un classicisme qui défie les modes mais qui garantit une longue vie sur les écrans et dans les esprits.
A lire l'interview de Nicole Garcia dans Positif N°718, décembre 2020.