Diffusés dans les cinémas à quelques jours d’intervalles, Oui et Sirat partagent quelques similitudes. De la fuite en avant tracée par Oliver Laxe, à la dérive ignominieuse dépeinte par Navad Lapid, émerge la peinture d’une humanité déboussolée par la rupture des équilibres et les dérangements endémiques qui adossent notre époque.
Au diapason de Sirat, Oui se découpe en trois actes et s’ouvre sur un sabbat musical. Quelque part dans une villa chic de Tel-Aviv, une fête bat son plein. Saturée de substances et de décibels, la nouba renvoie aux bacchanales qui façonnent la griffe de Paolo Sorrentino (Il Divo 2008, La Grande Bellezza 2013, Silvio et les autres 2018…). À ceci près que, par ici, une guerre sévit à quelques kilomètres, .
L’animation de la soirée est assurée par une danseuse, Jasmine (Efrat Dor) et Y, son époux musicien (Ariel Bronz). Ce dernier est sollicité par un oligarque russe, pour la composition d’un hymne à l’éradication de la Palestine.
Dans un second temps, Y prend la route à la recherche de Leah (Naama Preiss), une amoureuse d’autrefois qui vit à proximité de la bande de Gaza. Par la suite, le mari prodigue réintègre son foyer.
Sur ce canevas ne se greffe pas une histoire mais une déferlante. Dans la salle il n’aiment pas le film, remarque Y, au détour d’un énième tableau rugueux, criard et sur-amplifié.
Depuis Le Policier (2011) et L’institutrice (2014), Nava Lapid n’a de cesse d’extirper l’arrogance intrinsèque qui contamine un pan de plus en plus large de la société israélienne. Exilé à Paris depuis 2021, le filmeur turbulent réintègre sa terre natale afin de boucler la première fiction autour du conflit déclenché par le massacre d’octobre 2023.
À la tête d’un commando d’interprètes et de techniciens, prêts à affronter les difficultés et les représailles inhérentes à une telle l’entreprise, Lapid pilonne la morgue nationaliste et sa dérive guerrière. Son film épanche une indignation où se bousculent les audaces : le monologue de Leah, délivré dans la fureur d’une confession slamée ; et les outrances : le final dans la loge aussi répugnant que redondant.
Blindé dans sa fureur et sa rage de filmer, Lapid agonise l’insolence infatuée des puissances conservatrices, tout au long d’un maelstrom carnavalesque, d’une déferlement outragé, d'une catharsis salutaire face à l’abomination et la crasse obscénité qui souillent son pays.
Gestes exaltés, organiques, ulcérés.., Oui et Sirat saisissent à plein écran la folle confusion qui emporte les temps présents.
Photographies : Films du Losange