Les hasards de la distribution amènent régulièrement sur les écrans des films qui croisent un style et une thématique. L’habitation se trouve ainsi au centre de Wahou !, le nouveau film de Bruno Podalydès et Fifi, le premier opus de Jeanne Aslan et Paul Saintillan.
Ça cri, ça court, ça claque, du matin au soir, dans l’appartement HLM où loge Sophie et sa famille largement recomposée. L’adolescente goûte un havre de calme auprès de sa vénérable voisine, à qui elle amène les courses et qui lui cuisine en retour de savoureux gâteaux.
Un concours de circonstances amène Fifi dans la villa d’une camarade de classe qui, avec ses parents, s’appète à quitter Nancy, pour des vacances d’été. Sur un coup de tête elle subtilise un trousseau de clés et, quelques jours plus tard, se pose dans la villa. La villégiature est rapidement perturbée par l’arrivée de Stéphane, le fils aîné, qui prolonge ses études dans la Capitale.
Dans la famille on aime les arts mais on n’a pas beaucoup de talent, soupire l’étudiant qui vide sa chambre afin que sa mère y installe son atelier de peinture. Une douce complicité s’insinue entre le jeune adulte désormais indésirable chez lui et l’adolescente corvéable, en quête d’un abri à soi.
Céleste Brunnequell, toujours en alerte et Quentin Dolmaire, nonchalant endémique, illuminent cette brève rencontre, au cours de laquelle une connivence intime se mêle à des intérêts bien compris. Les nuances qui entourent la relation entre Sophie et Stéphane, restent de mise dans la description de la famille de la jeune fille, un noyau sur le fil du rasoir, où, néanmoins, l’attention et la tendresse résistent à la promiscuité et la précarité.
Conte moral, simple, sensible et très bien écrit, Fifi prouve que la délicatesse n’a rien d’incompatible avec l’approche des disparités sociales.
Une maison de maître gorgée de meubles, de failles et de bibelots mais sur un terrain piscinable ; un appartement flambant neuf avec plancher flottant et proche de toutes commodités, constituent les lieux uniques de Wahou !. L’exclamation désigne una agence immobilière dans laquelle officie Catherine et Oraccio (Karin Viard et Bruno Podalydès). La première est expérimentée mais déprimée, le second est maladroit et, toutefois, plein de bonne volonté.
L’un et l’autre sont les intermédiaires entre des vendeurs sur le point de se séparer d’un morceau de vie et des acheteurs. Certains ont des moyens et des exigences, d’autres nourrissent des rêves en dépit des contingences.
Bruno Podalydès reste fidèle à la comédie mais la fantaisie loufoque qui illumine Adieu Berthe (2012) ou Les Deux Alfred (2018), s’estompe au profit du sourire entre chien et loup, qui enveloppe cet état des lieux des projets de vie.
Wahou ! enchaîne les visites et les sketches, servis par une pléiade d’acteurs, complices depuis toujours (Isabelle Candelier, Patrick Ligardes, Denis Podalydès..) ou nouveaux bienvenus (Eddy Mitchell, Roschdy Zem). A la tendresse mélancolique des seniors, s’opposent l’insolence des premiers de cordée ou le désarroi des actifs, écartelés entre leurs désirs, leurs devoirs et leurs comptes en banque.
La peinture sociétale s'agrémente d'un portrait de générations. L’on remarquera, à se sujet, qu’à travers le jeune couple, aussi engoncé que leur vélo pliable et les deux frères motorisés, clones lointains des Dupond-Dupont (Podalydès est un inconditionnel des Aventures de Tintin), reconvertis dans la spéculation immobilière, la jeunesse, pragmatique jusqu’à la garde, présage d’un avenir dès moins radieux.
Sans doute le réalisateur se projette plus volontiers chez Jim (Victor Lefèvre), le stagiaire qui apprend vite, folâtre dans les dressings et se baguenaude sur sa planche à roulette. L'espoir a la vie dure, Au bar du Lutécia reste l’une des belles chansons tardives de Monsieur Eddy et Bruno Podalydès demeure un grand auteur de comédies.
Photographie: Anne-François Brillot.