Cela commence par une gifle, une bonne baffe du matin, qui ambiance la journée de Delia (Paola Cortellesi). Pendant que Ivano (Valerio Mastrandea) est au travail, son épouse tient la maison, s’occupe de leurs trois enfants, borde un aïeul geignard et effectue des travaux de raccommodages qui complètent les revenus du foyer.
Delia préserve à peine le temps de savourer une cigarette avec son amie Marisa, d'accepter la barre de chocolat que lui offre un Marines compatissant, d'échanger un regard mélancolique avec Nino le garagiste. Puis elle repart, accaparée par les fiançailles de sa fille aînée. Sans états d’âme, la ménagère assure un quotidien harassant. Mais l’arrivée d’une lettre bouscule sa résignation.
Actrice, chanteuse, humoriste, animatrice de télévision, Paola Cortellesi ajoute une corde à son arc et signe son premier long-métrage. Le noir et blanc, la présence des troupes américaines, disposent l’époque : la seconde moitié des années 40, au cœur du Testaccio, quartier populaire de Rome, Il reste encore demain raccorde contexte historique et histoire du cinéma. La réalisatrice mobilise le néoréalisme qui imprégna le cinéma transalpin de l’après-guerre et son glissement vers la comédie sociale, propulsée par Mario Monicelli, Dino Risi, Pietro Germi.. . L'utilisation décalée de musiques plus actuelles élargit l'audience, des cinéphiles attentifs vers des spectateurs moins chevronnés.
Les journée bien remplies de cette ménagère, traduisent la condition d’une nation, laminée par le fascisme mussolinien. A l'époque pratique d’usage, l’asservissement féminin et ses dommages collatéraux : machisme, violence.., se restituent par ellipses ou pirouettes de style (le tango-raclée). La réception de la mystérieuse missive enclenche un suspense dramatique, jusqu'à un admirable coup de théâtre , indissociable d’un fait historique qui, à la lumière de notre époque, s’affirme comme décisif et inaliénable.
Mais par-delà la reconstitution, le déterminisme social et la maîtrise de la tragi-comédie propre au génie italien, Il reste encore demain détaille la prise de conscience progressive d’une mère modèle, à, priori sans états d'âme, qui commence à se trouver lorsqu'elle hisse son regard au dessus des taches journalières.
Réalisatrice, coscénariste, interprète principale, Paola Cortellesi coule son omniprésence dans un récit cursif, où, d’émotions en fausses pistes, se convoquent les temps anciens, dans une célébration de combats démocratiques, plus que jamais d'actualité.
Une nostalgie bien placée en quelque sorte.