Deep Purple

Actualité du 08/12/2024

 

Depuis quelques mois, les Saints Évangiles opèrent un retour en force sur les grands écrans.

La revitalisation de franchises iconiques : L’Exorciste : Dévotion (David Gordon Green 2023), La Malédiction : L'Origine (Arkasha Stevenson 2024), agrégée à des titres tels : Benedetta (Paul Verhoeven 2021) La Nonne, la Malédiction de Sainte-Lucie (Michael Chaves 2023), L’Exorciste du Vatican (Julius Avery 2023), Immaculée (Michael Mohan 2024) atteste cette tendance.

En rupture avec la veine horrifique à laquelle se rattachent les titres précédents, Conclave s’inscrit dans le courant des intrigues cardinalices régulièrement abordées par le cinéma : du Cardinal (Otto Preminger 1963) à Da Vinci Code (Ron Howard 2006), sans oublier Le Nom de la rose (Jean-Jacques Annaud 1986), Habemus Papam (Nani Moretti 2011), ou encore The Young Pope (2016) /The New Pope (2019), série télévisée conduite par Paolo Sorrentino.

Conclave s’ouvre sur une crise cardiaque fatale pour le Souverain pontife. Doyen du collège des cardinaux, Thomas Lawrence (Ralph Fiennes tourmenté par le doute mais drastique dans ses obligations) se doit d’organiser l’élection du nouveau chef de l’église. Après une exposition qui détaille les préparatifs du consistoire, le récit relate les tours de scrutins et leur lot attendu de négociations, intrigues et coups de théâtre.

Le film s’inspire du roman homonyme publié en 2016 par Robert Harris, écrivain britannique, par ailleurs coscénariste aux côtés du réalisateur Roman Polanski de Ghost Writer (2010) et J’accuse (2019). Les péripéties clivent le courant libéral, personnifié par Lawrence, aux réactions traditionalistes, cristallisées lors les emportements du Cardinal Tedesco (Sergio Castellitto, quota italien de la distribution). L’irruption d’un prélat nommé in pectore-secrètement (Carlos Diezh), la perspicacité affranchie d’une moniale interdite (Isabella Rossellini) corsent les tractations.

Sans déflorer l’issue finale, les péripéties s’abreuvent aux sujets du moments : crise de confiance vis à vis des clergés, acceptions diverses du déterminisme. Habile dosage entre desseins machiavéliques et supputations métaphysiques, le scénario est l’œuvre de Peter Straughan, à l’origine de La Taupe (2011).

Inspiré d’un best-seller d’espionnage du maître John Le Carré (1931-2020), le film fut mis en scène par Thomas Alfredson. Pour l’occasion, l’auteur de Morse (2008), sublime synthèse entre mythe vampirique et processus d’exclusion, livrait du M16 britannique, une vision glauque et poussiéreuse, aux antipodes des frasques de 007.

Pour Conclave, le réalisateur suédois est cité parmi les producteurs exécutifs mais la réalisation est confiée à Edward Berger. Celui-ci multiplie les compositions picturales gorgées de pourpre et de vermillon, en osmose avec l'architecture grandiose et la statuaire surplombante de la Basilique Saint-Pierre.  Toutefois, afin de compenser l’absence d’action spectaculaire, la prééminence des dialogues et le huis-clos induit par la situation, le réalisateur allemand use et abuse de semonces musicales, de sons (volets, serrures…) suramplifiés, de voix mixées aux limites de l’infrabasse, façon Marvel ou Oppheimer. Nul doute que Thomas Alfredson aurait livré une approche plus insidieuse et moins pontifiante de ces tortueuses embrouilles pontificales.

L’on remarquera enfin que, dans le réfectoire où les cardinaux se regroupent par nationalités, la présence de la France est évoquée dans une moue révélatrice de l’influence désormais négligeable de la Fille aînée de l’Église. L’on se consolera en estimant que, si, pour son engagement dans Immaculée, l’actrice Sydney Sweeney est bien la Novice de 2024, Jacques Develay, l’abbé immanent du Miséricorde d’Alain Guiraudie, récemment couronné du prestigieux Prix Louis Delluc, supplante Ralph Fiennes et la concurrence dans la section Prieur de l’année.

Photographies : Focus Pictures.

 

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