Défendre ou sauver

Actualité du 21/09/2024

 

Il existe bien des parallèles entre le retour en cours d’assise de l’avocat Jean Monier et le come-back de l’acteur Daniel Auteuil derrière une caméra.

Six ans après la comédie Amoureux de ma femme, le comédien adapte (avec Steven Mitz) et porte à l’écran un fait divers relaté par l'écrivain pénaliste Jean-Yves Moyart (1967-2021). A la suite du patriarche, ténor du barreau, incarné dans Un silence, film de Joachim Lafosse sorti en janvier dernier, Auteuil-l’interprète endosse à nouveau la robe du plaideur.

Le Fil s'ouvre sur une substitution. Par sollicitude pour Annie (Sidse Babett Knudsen), son ex-femme et néanmoins confrère, commise d’office sur un meurtre par égorgement, Monier accepte de prendre la première déposition du suspect. L’échange relève du coup de foudre. Confondu par le désarroi outragé de Nicolas Milik (Grégory Gadebois), l’intercesseur se saisit de l’affaire et renoue avec les assises pénales.

Après La Fille du puisatier (2011) puis Marius et Fanny (2013), où il paie son dû à Marcel Pagnol, à l’origine de sa consécration suite à Jean de Florette et Manon des sources (1986), Auteuil-réalisateur délaisse la faconde du Vieux Port et les lustres du Pays d’Aix, pour les ciels bas de l’hiver camarguais.

Admirablement fixée par Jean-François Hensgens (chef opérateur venu du Plat Pays, croisé sur Un silence), la grisaille marécageuse résonne avec la neurasthénie endémique de Monier. Aux talenquères de l’arène, aux joutes des corridas, se surexposent les débats du procès et les bancs du tribunal. A l’exiguïté labyrinthique des torils répondent la solitude bornée de Milik et l’acharnement névrotique de son avoué, pour lequel la frontière, peu à peu s’estompe entre défendre un accusé et sauver un innocent.

Il se confirme que, dans les fictions ou en réalité, les chambres d’audience et les dossiers criminels demeurent le révélateur inépuisable des tourments qui charpentent la condition humaine.

Sujet solide, distribution en acier trempé, Le Fil transcrit le pointillisme désenchanté d’un Georges Simenon. Ce n’est pas le moindre des compliments que l’on peut adresser à ce film sombre et classique, de loin le meilleur de son auteur.

Photographies : Zinc Film.

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