Deux hommes et un chien

Actualité du 24/04/2023

C’est un petit village perché sur une colline, quelque part en Occitanie. Ils sont nés ici et se connaissent depuis toujours, Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard) forment une paire, inséparable et complémentaire. Taiseux jusqu’à l’effacement, le premier écoute les aphorismes, les conseils et parfois encaisse les anathèmes que lui déverse le second, un sachet de cannabis dans une main et un livre dans l’autre.

Si sa mère (Dominique Reymond) refuse de sortir de la maison, Mirales ne dépasse que rarement des limites de la commune. Et jamais sans son pote et son chien. Un jour Dog prend Elsa (Galatéa Bellugi) en auto-stop. Une histoire s’amorce entre le conducteur et l’étudiante en villégiature. Dès lors Dog ne descend plus lorsqu’on le siffle, les parties de FIFA se jouent en solo et lorsque le duo se reforme, par ses remarques ou sa simple présence, la nouvelle venue dérègle les rituels.

Lui même natif du Pouget, quelque part dans la vallée de l’Hérault, Jean Baptiste Durand radiographie avec Chien de la casse, l’amitié fusionnelle entre deux gars qui étirent leur adolescence sur un territoire vivace comme un village du Luberon en basse saison.

A l’observation anthropologique s’ajoute la comédie humaine portée par d'impeccables interprètes : Galatéa Bellugi, mesurée et incisive, Anthony Bajon, tout en fragilité trapue, et bien sur Raphaël Quenard qui, dans son registre, relève du phénoménal.

Comme Mirales vampirise son monde, Raphaël rempli l’écran d'une logorrhée, dont on ne sait si elle est écrite ou improvisée. Aussi inventif qu’intarissable, le bagout oblique du pittoresque vers le malaisant. Agressives jusqu’à la menace, les saillies sonnent comme un sentiment de trahison, un dépit amoureux et plus encore, une peur panique du vide. L’acteur jongle avec les phrases, les silences et les postures (dont certaines puisées chez Robert de Niro, époque Mean Streets 1973) avec une agilité, révélatrice d’une verve, d’une finesse et, sans doute, d’une rare intelligence.

En fin de conte, les deux bonhommes finiront par bouger, comme l’atteste un épilogue qui relativise la notion d’évasion. En l'état, un point final subtil et ambivalent à cette chronique d’arrière pays, frappée du sceau du vécu et mitonnée avec les ingrédients complexes qui fondent une amitié.

Chien de la casse, un film, un réalisateur et des interprètes vraiment francs du collier.

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