C’est un film d’anticipation. Dans un futur plus ou moins proche, de multiples dissensions au sein de la colonie, mettent en péril la première mission habitée sur Mars. Pour circonscrire les problèmes, l’Agence spatiale sélectionne et confine cinq personnes, dont le profil psychologique correspond aux spationautes. On dirait la planète Mars livre le compte rendu de cette simulation.
Quelque part dans le désert, à l’intérieur de la maquette de la station martienne ou lors des sorties en scaphandres plastifiés, chacun se plie aux protocoles. On s’applique comme si on y était. Pourtant, la grande aventure dérape sur de petits riens.
Les enjeux tournent autour du débit de la douche et du nombre de sucres pour chaque café. Syncopés par les cliquetis plus ou moins nerveux des stylos bille, les points de vue s’exposent lors de débriefings quotidiens, au cours desquels les remarques, formulées sur un ton concerné et néanmoins courtois, sont débattues avec attention et bienveillance. Soumises à un vote, les motions sont immédiatement suivies d’effets. Lorsque la directrice est mise en minorité, son successeur, démocratiquement élu, assure que sa porte reste ouverte à tout moment de la journée. Chaque réunion ou discussion se conclut par Je suis content qu’on ait eu cette conversation.
Cependant l’apparition intempestive d’une pizza (et son livreur), effrite le vivre ensemble et suscite l’intervention de consultants. Il s’ensuit un rappel à l’ordre sur un ton ferme mais affable, subtil précipité de reproches feutrés, d’encouragements avenants et d'insidieuses menaces.
Épaulé par des interprètes qui combinent à merveille accent québécois et humour à froid, Stéphane Lafleur livre une épopée extraterrestre, revue et corrigée par les Ressources humaines. Le décalage insuffle du dérisoire dans l’esprit de sérieux, qui innerve, parfois jusqu’à la boursouflure, bon nombre de films de science fiction.
On dirait la planète Mars est une fable kafkaïenne et nonchalante, qui convoque le futur pour dépeindre un présent, momifié par les séminaires, postures, jeux de rôle et éléments de langage.
L’on peut imaginer qu’à la vision du film, Georges (1984) Orwell se serait bien marré et l’on est content que le lecteur ait lu jusqu’au bout cette communication.
Photographies : UFO Distribution.