Du sucre du gras et du surpoids

Actualité du 12/03/2023

Afin de rentrer dans sa robe de gala, Sarah (Ellen Burstyn) engloutit des amphétamines en guise de coupe-faim (Requiem for a dream 2000). Colosse botoxé-anabolisé, Randy le Bélier (Mickey Rourke) enchaîne les combats de catch au détriment de sa complexion (The Wrestler 2008). Afin de satisfaire son chorégraphe, Nina (Nathalie Portman) soumet sa morphologie à une avalanche d’épreuves physiques et psychologiques (Black Swan 2010). Le corps, la carcasse, l’organique cimentent une large partie du cinéma de Darren Aronofski.

De même qu’il laisse dans la boîte aux lettres les sommes dues au livreur, Charlie professe la littérature en visio, prétextant une panne de caméra. 272 kilos, accuse la balance du bonhomme qui fermente, reclus dans son pavillon tous volets fermés.

Adapté d’une pièce de Samuel D. Hunter, The Whale (La Baleine), satisfait à l’unité de lieu. L’espace de cinq journées, Charlie reçoit les visites de son infirmière qui l’admoneste sur son hygiène alimentaire, tout en lui procurant d’imposants sandwiches avec supplément fromage. Suivent un apprenti prédicateur à la foi évasive, sa fille puis son épouse qu’il abandonna autrefois pour vivre sa passion avec l’un des ses étudiants.

Prospecteur de précipices intérieurs, qu’il explore dans une curiosité furieuse, propice à certaines surcharges (sans mauvais jeu de mot), Darren Aronofski empile rancœurs hystériques et effondrements compassés. Psychodramatique à l’extrême, The Whale fascine néanmoins par la masse de chair et de chagrin autour de laquelle se déchaîne la sarabande doloriste.

Donald Trump capitalise les suffrages via la télévision, les dogmes évangéliques frappent à la porte, la communication connectée lynche la réflexion, la bien-pensance étouffe le savoir académique. Auréolé de sueur et de bougnettes, Charlie encaisse reproches et confidences, engouffre pizzas, sodas et barres chocolatées. Confinée jusqu’à la paralysie, aux limites la suffocation, l'entité mafflue renvoie l’image outrée d’une époque et d’une humanité en surrégime.

Concentré d’Achab et Moby Dick, confis dans 50 kilos de prothèses, Brenda Fraser sacrifie à l’exploit, pétri de répulsion et de désespoir. C’est très gros mais l’imagerie impressionne, souvent dans une hallucinante circonspection.

 

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