Elle s’en va

Actualité du 13/09/2021

Au petit jour, une femme quitte la maison en prenant garde de ne pas réveiller son époux, sa fille et son fils.

Difficile d’aller plus loin, car dans le cas de Serre-moi fort, plus que jamais : résumer c’est raconter. A l’attention des féru(e)s de références et de parallèles, la suite peut s’assimiler à Kramer contre Kramer (1979) dans lequel un John Cassevetes à fleur de peau, aurait remplacé le consciencieux Robert Benton. Quoi qu’il en soit Serre moi fort s’inscrit pleinement dans le cinéma de Mathieu Amalric.

Inspiré d’un roman judiciaire de Georges Simenon, La chambre bleue (2014) entremêlait le temps de l’enquête et celui des faits, puis éludait l’inévitable recension du procès. Démarche identique pour Barbara (2017) qui, dans un même mouvement, brassait documentaire et fiction, présent et passé.

Les temporalités se bousculent à nouveau tout au long de Serre moi fort, non plus à l’égard d’un personnage mais à l’échelle d’une cellule familiale. Qualifier le résultat de déroutant tient de l’évidence. Mais la confusion reste maîtrisée. Amalric déconcerte au risque de nous perdre mais aussi et surtout il déstabilise pour rendre plus perméable aux états et aux émotions, ô combien universelles, traversées par les unes ou les autres.

Serre moi fort nous abandonne bouleversés ou simplement étourdis par un dispositif virtuose soutenu par ses interprètes, à commencer par Vicky Krieps, appréciée en juillet dans le déjà complexe et passionnant Bergman Island ; à ses côtés Arieh Worthalter et Anne Sophie Bowen-Chattet toujours accordée lorsqu’elle touche un piano ou arbore une perruque.

Porter à l’écran un texte théâtral débouche la plupart du temps sur des films littéraires, voire verbeux. Ici Mathieu Amalric s’empare d’une pièce de Claudine Galéa et livre une adaptation purement visuelle. La gageure confirme la patte d’un authentique cinéaste.

On remarquera enfin qu’après la Saab 900 rouge de Drive my car et maintenant l’AMC Pacer de Serre moi fort, les automobiles écarlates et vintage traversent quelques beaux films de cette fin d’été.

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