En connaissance de cause

Actualité du 04/08/2021

 

Réalisatrice de cinéma, Chris (Vicky Krieps) est l’épouse de Tony (Tim Roth), cinéaste plus âgé et plus connu. L’un et l’autre décrochent une résidence d’écriture à Farö, île de la Baltique où Ingmar Bergman (1918-2007) vécu une partie de sa vie et tourna certains de ses films de A travers le miroir (1961) à Scènes de la vie conjugale (1972) en passant par Persona (1966). L’un et l’autre revendiquent l’influence du maître suédois, lui dans l’expression fantasmagorique, elle dans l’exploration des tourments intérieurs.

Mariée jusqu’en 2016 au critique-réalisateur Olivier Assayas, Mia Hansen-Love instille beaucoup de sa vie et sa cinéphilie dans Bergman Island. Le film emprunte plusieurs voies, à commencer par un pèlerinage sur les traces du cinéaste scandinave. A la quiétude majestueuse des paysages répondent des pratiques touristico-culturelles observées avec une attention amusée.

Bergman, ses films, son fantôme alimentent une émulation-rivalité entre Chris et Tony. Au gré de ses balades, la jeune femme suit un itinéraire aléatoire au fil duquel elle assimile puis s’affranchit de ses expériences et ses influences.

Dans le dernier tiers, apparaît Amy (Mia Wasikowska). L’entreprise bifurque alors vers le film dans le film. Trop de personnages, trop de signes…, ces entrelacs pourraient générer une lourde confusion. Mais Mia Hansen Love nous garde auprès d’elle. Les mystères de la création sont complexes mais analysés dans une minutieuse limpidité.

Est-ce le soleil de minuit ? Est-ce l’ombre d’Ingmar ? Est-ce la sobriété sensible de la distribution ? Toujours est il qu’avec Bergman island, Mia Hansen-Love franchit haut la main une barre placée à un niveau inattendu. Bergman aurait aimé. Ou détesté car tout au long de sa carrière, le maître fut sans pitié pour les disciples susceptibles de l’éclipser.

 

Depuis La graine et le mulet (2007) Hafzia Herzi a beaucoup tourné, jusqu’à 3 voire 5 films par an. En 2019, la jeune actrice passe à la réalisation. Sympathique et auto-centré, Tu mérites un amour ne laissait pas augurer Bonne Mère. Cette fois Hafzia persiste à parler d’elle mais on ne la voit pas. Massive, silencieuse, pétrie d’humanité, Halima Benhamed elle, crève l’écran. Nora règne sur une famille dissipée: l’aîné est incarcéré, son frère en voie de surpoids, la sœur rêve de paillettes, le petit fils cherche des repères….

Hafzia Herzi fut élevée par sa mère dans les quartiers Nord de Marseille. C’est au cœur de ces cités précaires avec vue sur la mer que Bonne Mère a été tourné. A l’instar de son mentor (Abdellatif Kechiche), la réalisatrice sait capter la vérité derrière la spontanéité, un style dont elle écarte les longueurs voire la complaisance et qu’elle agrémente d’une empathie souriante.

Il règne au sein de cette famille aussi défavorisée qu'explosive des liens profonds, indéfectibles qui ne s’expriment jamais mais se manifestent sans cesse. La solidarité c’est lorsque les pauvres aident les pauvres, cette phrase de Robert Guédiguian résume Bonne Mère. Il est vrai que l’Estaque appartient aux quartiers Nord. Ellyes sera-t-il libéré ? Comment sa sœur sort-elle de son guêpier ? On n’en saura rien. Dans Bonne Mère il n’y a pas d’histoire juste des moments. Une chose est sure, on passerait plus de temps en compagnie de Nora, ses proches et ses enfants.

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