Envers et contre tout

Actualité du 31/01/2022

Irène (Rebecca Marder) dévore les textes, suit des cours d’art dramatique, rêve d’intégrer le Conservatoire, place des spectateurs le soir dans une salle à l’italienne. Irène vit, rêve, respire le théâtre.

L’étudiante évolue dans une bulle, colmatée par un paternel (André Marcon), qui tend à épargner à sa fille et son cadet (Anthony Bajon), les vicissitudes du quotidien. Bref, Irène est Une jeune fille qui va bien, même si elle est sujette à de brefs étourdissements. Suite à des problèmes de vue ? Voire de vision ?

Irène est une jeune femme de son temps. Mais lequel ? Vêtures et coiffures relèvent du passe partout. Pas d’indications extérieures, puisque rien n’existe pour elle, hormis sa passion des planches et ses premiers émois sentimentaux. A peine risque-t-elle un  J’espère qu’ils nous les rendrons, lorsque la radio et le téléphone du foyer sont confisqués par les autorités.

Car Irène et sa famille sont d’origine juive, à Paris, en 1942.

Pour ses premiers pas de réalisatrice, Sandrine Kiberlain ne place pas sa caméra aux côtés mais à l’intérieur de son héroïne. Au réalisme souvent empesé propre aux reconstitutions d’époque, se substitue la perception univoque d’un être qui ne voit rien, ou qui ne veut pas voir.

Pourtant la menace est bien là, qui fissure les défenses, contamine l’insouciance, s’infiltre dans des circulaires, sur les papiers, à travers les regards. Et bientôt sur les vestes et les manteaux.. . Face à l’abjection ostentatoire, au renoncements apeurés, se dressent l’impétuosité de l’esprit, le courage de certains, le tact de quelques autres.

Cette approche impressionniste se cristallise chez Françoise Widhoff. Par la détermination discrète qui anime la grand-mère d’Irène, celle qui fut la compagne-collaboratrice du cinéaste Alain Cavalier, tisse un lien entre cet entomologiste de la conscience (Thérèse 1986, Irène 2009...) et le pointillisme de Sandrine Kiberlain, attachée au démons tapis dans les détails.

A l’image de sa protagoniste toute en fraîcheur lumineuse, Une jeune fille qui va bien emporte autant qu’il pétrifie. De Sandrine Kiberlain, on apprécie chaque nouvelle composition. On attend désormais avec impatience son prochain film.

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