Et le poulet était toujours vivant

Actualité du 21/10/2023

Dans la Chasse au canard, sketch du fantaisiste Robert Lamoureux (1920-2011), une famille sans histoire hérite d’un canard en pleine santé. Plusieurs jours durant, Papa, Maman etc.., échafaudent diverses tactiques afin de tordre le coup à l’animal, qui se porte de mieux en mieux.

Les réalisateurs Chiara Malta et Sébastien Laudenbach, permutent les volatiles, mais, le noyau de Linda veut du poulet rappelle irrésistiblement ce classique de l’humour de répétition.

Suite à une erreur judiciaire et en quête de pardon, Paulette propose à sa fille Linda, de réaliser le plus cher de ses vœux. La réponse tombe : déguster un poulet aux poivrons. Bien que banale, la recette s’avère pesante, puisqu’il s’agit du plat préféré du père qui s’est évaporé dès le générique.

Premier précepte : se procurer un perdreau. Mission impossible en cette période de grève générale où tous les rideaux sont baissés. Paulette et Linda, qui ne lâche rien, se hasardent à la campagne. Au terme de l’expédition, un gallinacé s’éparpille dans l’appartement puis aux quatre coins de la cité.

Découvert en 2016 avec La Jeune fille sans mains, adapté de La Jeune fille, le diable et le moulin, pièce d’Olivier Py, elle même inspirée d’un conte des frères Grimm, Sébastien Laudenbach délaisse le merveilleux teinté d’épouvante, pour un réalisme social, augmenté de burlesque et de comédie italienne. Coréalisatrice, Chiara Malta, compagne de Lautenbach, n’est sans doute pas étrangère à cette échappée loufoque qui n’édulcore en rien la chape du chagrin et les servitudes à la réalité.

Dans cet environnement au point mort, de ces péripéties détrempées, surnagent un policier-magicien contrarié, une prof de yoga shootée aux Fraises Tagada, un routier lunaire mais allergique aux plumes, une mère tempétueuse et gracieuse comme une actrice.. italienne. Les caractères se démènent au cœur d’une agora nimbée d’arc en ciel, d’origines et de déterminismes.

Si les registres évoluent, les techniques persistent. Sébastien Ladenbach, écarte le numérique pour l’image par image, le dessin au pinceau, les aplats bigarrés. L’aspect premier jet, le style à main levée, accentuent la précision et insufflent le dynamisme, ingrédients essentiels à toute mécanique comique.

La réussite du projet se prolonge dans la fantaisies des doubleurs : les enfants tout en spontanéité, aux côtés de Patrick Pineau, Estéban et, par dessus tout, Clotilde Hesme et Laetitia Dosch qui impriment leur drôlerie instinctive à Paulette et Astrid, la sister plus ou moins zen.

Linda veut du poulet dresse une ode aux derniers de classe, qui ne cochent pas toutes les cases, dans un précipité d’émotions et d’éclats de rire, qui, si l’on se hasarde dans une projection, combine la joie des petits et l’allégresse des grands.

Citations extraites de l'article de Bernard Génin dans la revue Positif/novembre 2023.

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