A l’origine du Garçon se trouve un lot de photos de famille, comme il s’en chine souvent dans les puces et brocantes. La série conséquente (quelques 200 clichés), tombe sous les yeux de Zabou Breitman et Florent Vassault.
La comédienne-réalisatrice et le documentariste se focalisent sur la mise soignée et le sourire mélancolique d’un jeune homme (il se nommera Jean). Celui-ci devient le fil rouge d’un film à deux entrées. D’un côté, Florent part sur les traces de l’inconnu et son entourage. De l’autre, Zabou imagine et met en scène certains moments fixés sur les pellicules.
A cet effet et par mimétisme, Isabelle Nanty et François Berléand endossent, l’espace d’un séjour en bord de mer, les silhouettes des parents de Jean (Damien Sobierraf). Mais, rapidement, le réel prend le pas sur la fiction. L’intérêt s’arrime aux investigations documentaires (via Google-map et des recoupements personnels). Puis, au fil des contacts, l’attention se cristallise sur les témoignages, qui derrière la truculence ou les suspensions allusives, donnent à deviner les secrets, les failles et les désarrois tapis derrière les bonnes figures.
Pour bancale qu'elle soit, l’expérience synthétise néanmoins des thématiques chères à Zabou Breitman. Ainsi, à l’instar de Se souvenir des belles choses, son coup d’essai cinématographique sorti en 2001, la mémoire, de bout en bout imprime l’enquête. A l'image de Daniel Auteuil dans Je l’aimais (2009), Jean s’avère insaisissable et ondoyant. Abordé dans L’Homme de sa vie (2006), les dilections intimes sourdent des déclarations, comme elles percent des photographies.
Quant à l’expérience formelle, captivante dialectique entre imaginaire et vérité, ces notions irriguent le parcours théâtral de l'artiste multi-cartes. L’on songe à Logiqueimperturbabledufou (présenté lors du Off Avignon 2017), déroutant précipité de prestations fantaisistes et de symptômes psychiatriques. L'on se remémore encore Des gens (2008), adaptation pour la scène de Faits divers et Urgences, documentaires réalisés en 1983 et 1987 par le photographe-cinéaste Raymond Depardon.
Print the legend (imprimez la légende), martèle le journaliste à l'issue de L’Homme qui Tua Liberty Valance (John Ford-1962). Pourtant, le romanesque paraît subsidiaire, tout au long du Garçon, objet hybride, à l'intersection de la traque détective, de l'approche sociologique et la méditation proustienne ; d’où il apparaît que Every Picture Tell a Story (chaque image raconte une histoire), du titre d’une belle chanson de Rod Stewart.
Photographies : Nolita Productions.