Féminin sous surveillance

Actualité du 19/11/2022

Une jeune mère prépare avec soin le biberon de sa toute petite fille. Douceur d’un quotidien, ce sera le seul moment apaisé de Juste une nuit. Le téléphone sonne et le regard de Fereshteh (Sadaf Asgari) s’assombrit : de passage à Téhéran, son père et sa mère s’invitent pour la soirée. Quelques coups de fil puis elle jette des affaires de puériculture dans des sacs plastiques qu’elle confie à des voisines plus ou moins prévenantes.

On l’a compris, Fereshteh élève un enfant, ses parents ne le savent pas et doivent continuer à l’ignorer.

Ali Asgari affectionne les courses contre la montre. Réalisé en 2017, Disappearence lance un couple dans la vaine recherche d’un hôpital. Juste une nuit déroule l’aumône anxieuse d’un hébergement pour une poupée, trimballée dans des sangles puis dissimulée à l’intérieur d’un sac de sport. Flanquée d’une indéfectible copine (Ghasal Shojaei), la quête de Fereshteh s’assimile à un parcours de combattante. Le trajet la conduira jusqu’à son ex, qui dissimule également sa paternité à un paternel qui lui garantit gîte et emploi.

De portes closes en refus culpabilisants, le fragile équipage séjournera à l'intérieur d'un hôpital qui contrôle les identités au seuil des maternités. Il se posera dans une cité universitaire aux couloirs quadrillés de caméras vidéo. Fesreshteh passera encore un moment obscène dans le bureau-bunker d’un chef de service ou croisera un samaritain égaré dans un cloaque de marchandages et de soupçons. 

Figé dans la grisaille hivernale, le trajet de désespoir révèle un système qui place ses jeunes femmes sous surveillance et ses jeunes hommes sous éteignoir. Dans la lignée de Saeed Roustaee (La Loi de Téhéran 2021, Leila et ses frères 2022), Asghar Farahdi (Un Héros 2021) ou Jafar Panahi dont le nouvel opus (Aucun ours) sort le 22 novembre sur les écrans, Ali Asgari dissèque un régime féodal et une société épuisée à travers une narration sobre et haletante. Thriller politique, l’expression sied mieux que jamais à Juste une nuit, fuite en avant kafkaïenne que l’actuelle révolte des femmes d’Iran pare d’une acuité édifiante.

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