Fille de

Actualité du 23/05/2024

Enfant d’acteurs, Chiara a choisi le métier d’actrice. Si elle partage certaines intonations et regards avec sa mère : Catherine Deneuve, la beauté, l’élégance incarnées ; elle demeure le portrait craché de son paternel : Marcello Mastroianni (1924-1996), le séducteur, le latin lover.

Lorsque, au cours d’un bout d’essai, Nicole Garcia, la réalisatrice, par ailleurs comédienne, regrette qu’elle serve la scène façon Deneuve et lui demande une version à la Mastroianni, la requête ajoute le poids de trop à la charge généalogique. Avec la complicité d’un maquilleur, Chiara adopte la silhouette de Marcello, époque Dolce Vita (Federico Fellini 1960). La fille ressuscite le père, l’espace d’une échappée pour solde de tous comptes.

Au delà du travestissement qui lui permet de vagabonder, une fois encore, à travers les inclinations et les identités, Christophe Honoré déroule un nouveau portrait de groupe, doublé d’un docu-fiction qui mobilise, dans leur propre rôle, le clan Chiara, à commencer par sa mère et certains de ses compagnons : Melvil Poupaud, Benjamin Biolay, auxquels se greffent Nicole Garcia et Fabrice Luchini. La participation de ce dernier qui, lors de ses lectures-spectacles, ne cesse de questionner l’art de l’incarnation, adjoint une pierre supplémentaire à une construction fantasque, anatomie subtile, joyeuse, souvent touchante, du paradoxe du comédien.

Marcello Mio peut s’appréhender comme un complément à Guermantes (2021), proposition théâtrale inspirée par Marcel Proust. Afin de combler le deuil du spectacle sacrifié sur l’autel de la pandémie, Honoré réalisa un making of, à la fois portrait de la troupe de la Comédie Française et immersion dans le quotidien d’un acteur. Après les tréteaux, place donc à l’écran.

De la reconstitution misérable de la Dolce Vita à une baignade régénératrice, le réalisateur tisse une rêverie nostalgique (Proust toujours), qui parle d’un temps que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. Une époque où des Mastroianni, Gassman, Manfredi.., rivalisaient de charme et de drôlerie, sous la direction d'une horde d’italiens : Fellini, Visconti, Risi, Petri, Scola.., qui épatait le monde entier. Dans le même temps, de l’autre côté des Alpes, Jacques Demy (1931-1990) dirigeait Catherine Deneuve dans Les Parapluies de Cherbourg (1964) et Les Demoiselles de Rochefort (1967).

Marcello Mio empile les citations, certaines évidentes : Nuits Blanches (Luchino Visconti 1957), La Dolce Vita, Ginger et Fred (F. Fellini 1986).. , d’autres plus furtives : le dialogue autour de Trois vies et une seule mort (Raoul Ruiz), qui, en 1996, réunissait Chiara et son père, aux côtés de Melvil Poupaud.

Gourmand de madeleines, Christophe Honoré assaisonne la légende et l’intime, au fil d’une recherche du temps du perdu, nimbée de mélancolie cinéphile. Son Marcello Mio déroule une élégie alerte, savante, qui taquine les monstres sacrés pour conclure, à l’arrivée, que La Chiara se consume à son tour d'un sacré feu sacré.

Photographies : Les Films Pelleas, Jean Louis Fernandez.

 

 

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