Forte dette

Actualité du 16/12/2021

Dans Un héros il est question de pièces d’or, d’un créancier obtus, d’un débiteur obligé, de menaces, de prison, d’un enfant empêché et d’une belle dame en noir. L’action se déroule à Chiraz, villes d’Histoire et de légendes, proche de Persépolis.

On le sait depuis A propos d’Elly, son premier grand succès (2009), Asghar Farhadi aime et sait raconter les histoires. Le scénario de Un héros enchaîne à nouveau tensions, coups de théâtre, nourris d’incertitudes et d’ambiguïtés. A commencer par Rahim (Amir Jahidi impeccable), un quadra avenant, dont on ne sait si l’éternel sourire traduit une bonté foncière ou un charme plus retors.

Emprisonné pour surendettement, Rahim récupère, lors d’une permission, un trésor au fond d'un sac à main. Fruit d''une réflexion et autres calculs comptables, l’option choisie attire sur lui l’attention des médias, la bienveillance des tutelles, le soucis des associations caritatives … et l’instinct grégaire des réseaux sociaux. En quelques images bien montées Rahim devient un bon client pour les télés, une aubaine pour ses geôliers, un manipulateur sans scrupules pour son beau-frère spolié et un commandeur pour Siavah son fils, introverti jusqu’au handicap.

Au delà de son art du mystère et sa science du suspense, Asghar Farhadi réussit une nouvelle fois à instiller la description méthodique des servitudes propres au régime des ayatollahs. Affres du divorce, complexité de l’assistance à domicile (Une séparation 2011), adultère et prostitution hors la loi (Le client 2016), Un héros brosse, à son tour, une peinture accablante d’un système judiciaire qui s’exhibe et se monnaye jusqu’à ses plus lourdes peines. A ce sujet l’on peut se souvenir de Yalda la nuit du pardon (Massoud Bakhshi 2019), sidérante description d’un procès d’assise, interactif sur un plateau de télévision.

Densité de l’intrigue, caractérisation du moindre personnage : de l’officier de probation au chauffeur de taxi, l’auteur n’en délaisse pas moins le visuel, telles les vitrines qui enserrent la boutique du créancier, une mini galerie des glaces contre laquelle butent Rahim et ses proches.

Comme toujours chez Farhadi, ce n’est pas la résolution de l’énigme qui importe, (celle ci peut d’ailleurs rester incomplète), mais ce sont les zones d'ombres et, ici, les dommages collatéraux propres à des lois dogmatiques, édictées par des intérêts autres que la protection et le bien de tout un chacun.

Après La loi de Téhéran diffusé l’été dernier, Le diable n’existe pas, toujours sur les écrans, Un héros confirme la richesse éclairée du cinéma iranien qui allie l’efficacité du récit à la clairvoyance des fabulistes.

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