Forza Dino

Actualité du 18/09/2021

La force de la comédie italienne était qu’elle reflétait très bien la société italienne…. . Une certaine légèreté de vivre, le refus de prendre les choses au sérieux et de les approfondir sont des caractéristiques très italiennes. L’Italien vit très bien en surface.

En 1977 Dino Risi (1916-2008) livrait cette définition à Michel Ciment (interview republiée dans la revue Positif N°719). Réédités en salle, trois films de Risi reflètent l’évolution du Prince de la comédie alliée à sa passion des acteurs.

Alberto Sordi est romain. On dit que les romains n’ont pas d’âme… . Tous les défauts sont bien concentrés dans son personnage. Il représente la laideur, la lâcheté, la méchanceté, et en même temps l’amour rhétorique pour la mère, la famille, l’Église… . "Une vie difficile" c’est lui, le compromis, le renoncement…, l’arte di arrangiarsi, l’art de s’arranger.

Velléitaire compulsif, journaliste engagé dépourvu de tout instinct politique, impitoyable à l’égard de son épouse qui le porte à bout de bras après lui avoir sauvé la vie, Silvio (A. Sordi), correspond au portrait dressé par l’auteur. Tourné en 1961 mais diffusé en France qu’en 1976, Une vie difficile déroule un panorama de l’Italie, de la fin de la guerre jusqu’au début des années 60. L’alacrité farcesque de ses opus précédents : Pauvres mais beaux 1957, L’homme aux cent visages 1959…, cède la place à une ironie désenchantée que seuls Sordi et ses pantomimes écartent de l’âpreté du néoréalisme. Annonciateur du Fanfaron qui sera tourné l’année suivante, Une vie difficile, par sa concision, sa finesse d’analyse, la qualité de ses interprètes, son sens du décor et des ambiances, constitue le premier chef d’œuvre de son auteur.

 

Si la force de Sordi est de ne faire aucun effort pour jouer mais au contraire d’être lui même à l’écran, Vittorio Gassman, lui, a créé un prototype très différent de sa personnalité profonde… . On sent toujours le décalage entre le personnage qu’il joue et l’homme qu’il est.

Ensemble Dino Risi et Vittorio Gassmann ont tourné 16 films. Dans L’homme à la Ferrari (1967), l’acteur est cadre supérieur dans une fabrique d’électro-ménager qui prospère grâce à la reconstruction. Jeune grand-père, le quinquagénaire est saisi par le Démon de midi, lorsqu’il croise la petite amie de son fils. Le business man impitoyable s’avère moins déterminé lorsqu’il s’agit d’assumer ses envies de nouvelle vie. La fantaisie mordante du scénario d’Age et Scarpelli résonne avec la flamboyance du comédien et l’imagerie pop de la réalisation. L’homme à la Ferrari est resté inédit en salle jusqu’à cette année. L’injustice est réparée pour ce précipité d’insolence fataliste.

Ugo Tognazzi c’est l’Italie grasse qui mange… . En même temps c’est un acteur très fin.

Aux antipodes des caractères fantasques incarnés par Gassman et Sordi dans les films précédents, le juge Bonifazi campé par Tognazzi est un fonctionnaire scrupuleux et laconique. Lors d’une enquête sur la mort d’une jeune femme, le magistrat découvre les coordonnées de Santonocito (Vittorio Gassman),  homme d’affaire puissant et exposé

Au nom du peuple italien date de 1971. Signé entre le Parti communiste et la Démocratie chrétienne, le Compromis historique ankylose la gauche plus qu’il gêne la droite. Dans le scénario d’Age et Scarpelli l’impertinence satirique s’efface pour un rictus sarcatique. Face à l’arrogance des riches, les juges s’érigent en justicier. Dans les films le temps n’est plus aux accommodements. Les années de plomb ne vont pas tarder. Imprégné de mélancolie désabusée,  Au nom du peuple italien revêt une dimension visionnaire, prolongée deux ans plus tard par Rapt à l’italienne qui traite d’un enlèvement.

Même si les têtes d’affiche sont masculines, les actrices ne sont pas délaissées. Grand amoureux, séducteur infatigable, Dino Risi a toujours tenu les femmes en haute considération. Face l’inconséquence de leur conjoint, les épouses : Eleanor Parker dans l’homme à la Ferrari, Léa Massari, sublime de bout en bout dans Une Vie difficile, campent de belles personnes qui donnent du temps au temps, dans la dignité et l’intelligence.

Une vie difficile, L’homme à la Ferrari, Au nom du peuple italien  composent une somptueuse parure à la gloire de la Comédie Italienne, amalgame enchanté entre déterminisme social et contexte historique, insolence et lucidité, trivialité et élégance.

Il faut coudre un tissu rose d’un fil noir. Dino Risi définissait ainsi son cinéma.

On ne finira jamais de le remercier.

A voir, jusqu'au 5 octobre, cinémas Utopia Avignon.    A lire "Mes Monstres", souvenirs de Dino Risi, Editions de Fallois.

 

 

 

 

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