Game over

Actualité du 25/07/2024

 

Suite à l’évolution du marché, Darknoon annonce sa fermeture, programmée à l’ultime seconde du dernier jour de l’année. Eat the night aligne ses péripéties sur le compte à rebours.

Apolline (Lila Gueneau) et Pablo (Théo Cholbi) son frère aînée, furent biberonnés et pratiquent toujours ce jeu en ligne. Reclus dans une villa désertée par les adultes, Pablo deale des comprimés qu’il concocte conformément aux tutos récupérés sur le net. Son petit commerce contrarie les activités du gang qui régente le quartier. Sévèrement recadré, Pablo est recueilli par Night (Erwan Kepoa Falé). Une passion amoureuse embrase les deux garçons.

Un temps réticente, Apo finit par accepter les séjours du nouveau venu dans le cocon pavillonnaire.

L’adolescence en déshérence, le clan comme un refuge, l’influence des alternatives en ligne.., Caroline Poggi et Jonathan Vinel approfondissent les thématiques déjà inscrites dans Jessica for ever, premier long métrage diffusé en 2019. S’il revendique une sérieuse culture geek, le duo prolonge ses centres d’intérêt à travers un solide bagage cinématographique : des bandes d’action de Johnnie To aux contemplations majestueuses de Bela Tarr ; ou théâtral : l’oeuvre de Bernard Marie Koltès (1948-1989).

A contrario des auteurs nourris de références multiples, Pablo n’a d’autres horizons que des aires numériques. A plein gaz, sa moto bigarrée déchire la grisaille hivernale d’une cité portuaire. Désir, violence, vitesse, vengeance, le gamer-biker applique à la vraie vie les valeurs de Darknoon.

Le recours au taser extirpe le récit de son exposition languissante, vers une narration plus structurée. Une spirale inexorable oppose les images digitales où les chairs découpées cicatrisent dans l’instant, aux passages à tabac interminables et autres représailles cinglantes, synonymes de prison et de coma profond.

Eat the night sollicite le conte : le retour d’un ogre (Thierry Hancisse plus massif que jamais), convoque la tragédie et affine une complexité. En fins connaisseurs, Caroline Poggi et Jonathan Vinel abordent le net comme une infinité de possibles. Une zone de non-droit où se négocient des armes, où se spécifient des posologies narcotiques. Mais encore, une oasis cathartique, doublée d'un Eldorado peuplé de géniaux bidouilleurs. Ainsi Darknoon, chimère ludique, est une création de Lucien Kramp (D.j) et Saradibiza (artiste 3D), épaulés par des programmeurs autodidactes, recrutés sur la toile.

Eat the Night séduit par son approche dialectique du factuel et du virtuel, un abord sous-tendu par une cohérence visuelle judicieusement contrastée. Le 31 décembre à 23H59, les avatars (plantureux pour Apo, musculeux pour Pablo) partent en pixels. L’adolescence est révolue. Une nouvelle ère peut commencer.

 

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