Les hasards des rééditions occasionnent le retour en salles de deux classiques issus de la nouvelle vague fantastique qui, du milieu des années 90 jusqu’au début des années 2000 traversa le cinéma ibérique.
Qu’est ce qu’un fantôme ?
L’échine du Diable s’ouvre sur cette question. Effectivement une forme rode entre la cuve au sous sol et la bombe figée dans la cour de l’orphelinat Santa Lucia. Carmen (Marisa Paredes) et le professeur Casares (Federico Luppi) recueillent les victimes collatérales de la guerre civile qui dévaste l’Espagne de la fin des années 30. Lorsqu’il s’approche du réservoir, Carlos entend des soupirs, distingue une ombre. Plus menaçantes encore sont les intimidations de Jacinto (Eduardo Noriega), un ancien pensionnaire qui tire parti des secrets tapis dans la maisonnée. Les rêves des petits se heurtent à la brutalité des grands. Satan se confond avec la Bête immonde.
Produit en 2001 par Augustin et Pedro Almodovar, Guillermo Del Toro inscrit son 3ème long métrage dans un épisode proche et douloureux de l’Histoire ibérique. Le réalisateur mexicain évolue entre thriller, mélodrame et fantasmagorie. L’insertion de plans qui grippent la chronologie, entretient le mystère et l’attention. Del Toro signe un conte politique qui convoque Mario Bava, le gothique de la cave n’est pas sans rapport avec le site rustique et minéral d’Opération Peur (1966).
Marisa Paredes, Federico Lupi sont impeccables de dignité, Eduardo Noriega arbore vraiment la beauté du Diable. Quant à l’élément aquatique, thème récurrent chez l’auteur de… La forme de l’eau (2017), il est ici le liquide matriciel de bien d’abominations et de quelques vengeances.
Qu’est ce qu’un fantôme ?
C’est quelque chose de terrible qui est amené à se répéter.
Del Toro reviendra vers l'Espagne et sa guerre civile, 5 ans plus tard, pour Le Labyrinthe de Pan. Son chef d’œuvre.
Va crever en enfer!, murmure un prêtre à un mendiant avant de lui voler son maigre pécule. Jésuite, expert en théologie, le père Angel Beriartua (Alex Angulo prodigieux de bout en bout) décrypte l’Apocalypse selon Saint Jean et arrive à la conclusion que l’Antéchrist reviendra sur terre un 25 décembre. Pour entrer en contact avec les forces du Mal, l’abbé multiplie méfaits et péchers.
Le jour de la bête (1995), réunit un ecclésiastique illuminé, un fan de musique métal (Santiago Segura) et un prédicateur télévisuel (Antonio De Razza). Lancés dans une geste diabolique sous les illuminations de Noël, les bonhommes sont comme les affectionne Alex de la Iglesia : des Pieds Nickelés adeptes du fusil à pompe, de la batte de baseball avec ça et là quelques citations bibliques.
Transgressives, dévastatrices et par dessus tout hilarantes, les premières étapes traduisent l’imagination furieuse d’un réalisateur qui associe sens du détail et horreur du vide. Résultat : Ça s’agite, ça flingue, ça blasphème dans tous les sens.
Le ton devient plus grave, voire amer dans les épisodes suivants. Le réalisme, la cruauté grandissante des mésaventures incite à se demander si Satan n’aurait pas connu une naissance prématurée. Via son trio d’allumés, De la Iglesia explose les vestiges du franquisme, l’obscénité médiatique et le cynisme commercial des fêtes du nouvel an. Au cœur de ce délire bête et méchant le Diable effectue quelques apparitions, preuve qu’il était déjà là.
26 ans après, Le jour de la bête à très bien vieilli. Il n’a pas pris une ride.