Hors-d’œuvre et désert

Actualité du 24/09/2021

David Lynch y a laissé des plumes, Alejandro Jodorowsky s’y est cassé les dents. Denis Villeneuve lui, semble mieux engagé.

Premier volet d’un diptyque annoncé, Dune s’étale sur 2H35 dont 90 minutes d’exposition, durant lesquelles se définissent les personnages et s’amorcent les conflits. Ces derniers tournent autour d’Arrakis, planète de l’Épice, minerai-panacée qui prolonge la vie, dope les esprits, terrasse les poisons, et éclaire l’avenir. Face à ces propriétés le druide Panoramix paraît petit joueur.  Le duc Leto Atreides (Oscar Isaac) prend les rênes du territoire, à ses côtés Dame Jessica (Rebecca Ferguson) sa concubine et leur fils Paul (Thimotée Chalamet). Reste à s’attirer la confiance des autochtones : les Fremens en attente du Mahdi (le Messie).

Au fil de cette longue mise en bouche, l’on note que le roman de Franck Herbert (1920-1986) puise dans de solides références dont Shakespeare ( l’un des chevaliers se nomme Duncan, patronyme utilisé dans Macbeth) et bien sur la Bible puisqu’il est question d’un sauveur et d'une traversée du désert. Brassant des thèmes éternels (les luttes de pouvoir), ou visionnaires (les périls écologiques), le script ne manque ni de densité, ni d’esprit de sérieux.

A l’écran Dune est un travail de metteur en scène, au sens d’un chef d’orchestre qui harmonise pupitres et solistes placés sous sa baguette.  La direction artistique respire l'invention et la perfection, mention spéciale pour les effets visuels de Paul Lambert à l’origine des « délicieux » chasseurs-libellules, et des vers de sable dont la gloutonnerie s’avère terrifiante et du plus bel effet. Seul bémol : la partition d’Hans Zimmer, tonitruante musique au mètre, pale démarquage des sculptures sonores élaborées par Johann Johannsson* (1969-2018), pour Prisoners (2013), Sicario (2015) et Premier contact (2016).

Denis Villeneuve peaufine ses dosages, affine ses réglages autant qu’il efface ses aspérités. Exit la noirceur morbide de Sicario (les cadavres emmurés), de Premier contact (la dépression de Louise la traductrice), ou Prisoners et ses rites meurtriers. A la tête de cet écrasant projet, le metteur au point éclipse l'opaque créateur. Le livre d’images n’en est pas moins fastueux.

L’avenir de la saga est suspendu à la carrière de ce premier volet. En cas d’insuccès, le passage au cinéma du roman de Franck Herbert prendrait l’allure d’une malédiction.

On n’en est pas encore là.

*Les bandes originales composées par Johann Johannson pourt Sicario et Premier contact sont éditées chez Deutsche Grammophon.

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