Il n’y aura plus de restes

Actualité du 08/12/2023

En 2007, Quentin Tarantino et Robert Rodriguez signent respectivement Boulevard de la mort et Planet Terror. Les deux titres forment le diptyque Grindhouse, hommage aux films d’exploitation, carburants essentiels des Drive-in d’outre-Atlantique. Projetées selon la formule du double-programme, les deux bandes furent complétées de faux films-annonces. Réalisé par Rodriguez, le trailer de Machette deviendra un long-métrage dès 2010. Mais il faudra attendre 2023, avant que le coming soon de Thanksgiving, bricolé par Eli Roth, connaisse le même destin.

Proche de Tarantino, qui lui offrit une apparition dans Boulevard de la mort puis une prestation plus conséquente dans Inglorious Basterds (2009), Roth affiche à son actif une dizaine de productions, qui surfent sur des genres souvent misérables : Torture Porn (Hostel 2005), films de cannibales (The Green Inferno 2013). C’est dire si Thanksgiving redore le blason de ce tâcheron suiviste et peu scrupuleux.

Comme annoncé, 16 ans plus tôt, dans la B.A, un disciple du Boogeyman (assassin masqué, figure totémique d’Halloween-La Nuit des masques-John Carpenter 1978), perturbe les festivités et le repas de Thankgiving, fête qui, chaque dernier jeudi de novembre, commémore la première récolte des pèlerins sur les terres du Nouveau Monde.

L’hommage-parodie des slashers (sérial killers+gore), très en vogue dans les eighties, est co-écrit par Jeff Rendell, à l’origine de Cabin Fever, mise en abîme des films de survie, qui demeure jusqu’à Thanksgiving, l'action la plus adulte et responsable, commise par Roth. A la fête emblématique, le duo adjoint dans son viseur, le Black Friday-vendredi noir qui, depuis les années 50, se déclenche dès le lendemain du Thanksgiving.

Au diapason du récent Une année difficile (Olvier Nakache, Eric Toledano), les premières séquences relatent l’assaut d’une grande surface par des clients, assimilés à une horde de zombis consommateurs. Au terme du générique, un an après le piétinement mortifère, la communauté prépare une nouvelle fête nationale. De son côté et malgré la réprobation de sa fille, le propriétaire de l’hyper local, peaufine les soldes du lendemain. Survient alors, une succession de morts violentes qui donnent à penser que la récente tragédie est loin d’être soldée.

La menace et le dilemme alimentent une intrigue dans laquelle s’agitent les archétypes du genre : héroïne inquiète, Pompom girl écervelée, culturiste trépané, brave gars débrouillard, flic débonnaire.. . Agrémenté de petites turpitudes locales, le suspense se double d’une satire cinglante (et sanglante) qui corse les péripéties.

Le choix de Plymouth, ville portuaire qui, en 1620, accueillit les premiers immigrants du Mayflower, le parallèle ravageur entre la communion familiale et le sabbat consumériste qui lui succède et, plus encore, la coiffe évangélique du tueur, en sus de la tempête grand-guignolesque, qui s’abat sur la parade célébrant la naissance de la nation, propulsent l’entreprise dans un maelstrom d’une corrosive irrévérence. A mille lieux des obscénités usuelles, les éruptions d’hémoglobine s’accompagnent d’une charge furieuse contre la bêtise grégaire et les bienséances de façade.

Impertinent, ajusté, tordant, Thanksgiving  distille un effroi délectable, doublé d’une épouvantable jubilation.

 

Retour à la liste des articles