Indes Galantes s’ouvre sur les remarques condescendantes d’une abonnée de l’Opéra de Paris à l’égard à un groupe de spectateurs issus de « minorités » que l’on croise rarement dans les temples lyriques. Ce que la vénérable patronnesse ignore c’est qu’elle s’adresse à des virtuoses de la danse urbaine. Et ces as du krump, du flexing, du hip hop… elle les découvrira dans les Indes Galantes au programme de la prochaine saison.
Indes Galantes n’est pas un énième film-opéra, mais un documentaire qui montre le travail, qui détaille la foule de personnes, l’addition de métiers, l’empilement d’heures indispensables à l’achèvement d’un spectacle vivant, qui plus est à son plus haut niveau d’excellence. Philippe Béziat promène sa caméra à travers la machinerie colossale de l’Opéra Bastille. Dans les studios, sur les plateaux, les voix et les corps s’évaluent, se questionnent, doutent, s’amusent, se fortifient. A la naissance d’un spectacle se greffe l’émergence d’un groupe qui vient de toutes parts puis progresse dans la même direction. Cette équipée utopique est menée par Clément Cogitore, metteur en scène, chef de troupe attentif et déterminé. A ses côtés le chef Leonardo Garcia Alarcon, directeur musical pédagogue solaire.
Un an plus tard viendra la création de l’opéra composé en 1735 par Jean Philippe Rameau. Le monde sauvage du livret se transporte au cœur des cités, la peur de l’inconnu, elle, est toujours là. Le public appréciera, la critique moins. Plus que dans d’autres microcosmes, les cénacles lyriques supportent mal les turbulences. La production n’ira pas au delà des représentations programmées. Mais l’enjeu en valait la chandelle. A la fin du film une question reste posée : est ce que la dame du début a apprécié ?