Iran stupéfiant

Actualité du 11/08/2021

Un film d’action qui se respecte doit s’ouvrir sur une séquence suffisamment spectaculaire pour happer l’intérêt du spectateur. La loi de Téhéran satisfait à la règle et la multiplie. Le film s’amorce sur une poursuite à travers un labyrinthe de ruelles. Puis survient la séquence d’anthologie : une descente dans un squat à ciel ouvert. Toutes sirènes dehors, les policiers arrêtent ou dispersent des toxicomanes, jeunes, adultes, vieillards, nichés dans des conduites en fibrociment. Chiens dressés et fouilles musclées, l’on découvre ensuite que la vente de drogue n’est pas incompatible avec l’activité familiale. Suite à l’assaut de son duplex, un chef de réseau est alors arrêté, amené au commissariat et jeté dans une salle où s’entassent des centaines de dealers-consommateurs.

Nous ne sommes qu’à la moitié du récit. Saeed Roustayi pose sa caméra mais maintient la tension. Samad le chef de brigade (Payman Maadi) extirpe des aveux à Nasser (Navid Mohammadzadeh) le grossiste. Élégants, autoritaires, verbe haut, les deux hommes se confrontent, négocient, se débrouillent avec leur dilemmes respectifs. Pour boucler son enquête le flic éprouve son éthique. Face à lui le prévenu lucide et tourmenté demeure très éloignée du parrain confis dans le luxe et l’arrogance.

La peinture est dantesque mais le trait reste rigoureux et documenté. Par son isolement, sa misère et sa frontière partagée avec l’Afghanistan, l’Iran constitue un débouché privilégié pour le premier producteur mondial de drogue. Au même titre que la corruption, la toxicomanie est désormais endémique, permettant aux uns de s’enrichir et à d’autres d’assurer pour leurs proches une ascension sociale académique et « propre ».

Tourné in situ, gorgé de cris et d’énergie, La loi de Téhéran confirme à son tour la vitalité du cinéma iranien. Au même titre que Mohamad Rasoulof (Un homme intègre 2017, Le diable n’existe pas, à sortir cet automne), Jafar Panahi (Le cercle, 2000, Sang et or, 2003) et bien sur Asghar Farahdi dont le nouveau film Un héros, vient d’obtenir le Grand Prix du Festival de Cannes, Saeed Roustayi met l’art du suspense au service d’une vision multiple de la condition humaine et de ordre social . Palpitant et magistral. 

Retour à la liste des articles