J’ai toujours voulu savoir ce qu’était exactement le cinéma ? Lorsque Ferdinand, le héros de Pierrot le fou (1965), pose cette question au réalisateur américain Samuel Fuller, son interprète compte déjà près de 40 films à son actif.
Avec Pierrot, Jean-Paul Belmondo retrouve Jean-Luc Godard après A bout de souffle et Une femme et une femme. Entre temps il a tourné Le Doulos et Léon Morin prêtre avec Jean-Pierre Melville, Cartouche et L’homme de Rio avec Philippe de Broca. On l’a vu dans la Ciociara de Vittorio De Sica, Moderato Cantabile de Peter Brook (d’après Marguerite Duras), Classe tous risques de Claude Sautet, et aux côtés de Jean Gabin dans Un singe en hiver.
Voyou hâbleur, truand ambiguë, bandit de grand chemin, résistant communiste, publicitaire soûlographe, troufion casse cou, ouvrier d’usine, abbé de campagne…, quelque soit le rôle, Belmondo donne le change. Et on y croit.
Jusqu’au milieu des années 70, l’acteur cultive vedettariat et inclinations artistiques. Il passe de Louis Malle (Le voleur) à Gérard Oury (le cerveau), de François Truffaut (La sirène du Mississippi) à Henri Verneuil (Le casse). En 1974, il finance et interprète Stavitsky. Ce portrait en creux de la France affairiste dans l’entre deux guerres bénéficie d’une production fastueuse mise en scène par Alain Resnais, l’un des grands cinéastes de son temps. Mais la presse n’aime pas et le public ne vient pas.
Échaudé par l’échec, Belmondo alternera désormais polars et comédies, aligné sur les seules attentes des spectateurs. La nouvelle période débute plutôt bien. Peur sur la ville est un suspense efficace dans lequel, fidèle à son habitude, Henri Verneuil surfe sur les modes du moment : flic rebelle façon Inspecteur Harry et violence graphique calquée sur les gialli italiens popularisés par Dario Argento.
Mais par la suite, le cru vire au frelaté. Le guignolo, Le solitaire, Le marginal, Les morfalous… sont des produits fabriqués en roue libre, de Michel Audiard pour les dialogues à Georges Lautner ou Jacques Deray derrière la caméra. Quant’à Belmondo, il semble plus préoccupé par ses cascades, que par ses personnages qu’il incarne toujours en force, faute de conviction.
Le système atteint ses limites à partir de Joyeuses paques (1984) puis touche le fond avec Le solitaire (1987). En berne au box office, Belmondo revient au théâtre (Kean 1987, Cyrano de Bergerac 1989, dirigés par son ami Robert Hossein).
Au cinéma l’acteur délaisse les réalisateurs aux ordres pour des personnalités plus affirmées. Avec Itinéraire d’un enfant gâté (1988), Claude Lelouch le recolle au succès et lui occasionne son premier et unique César. Sept ans après, le duo s’attaque à Victor Hugo. Transportés dans la première moitié du XXème siècle, ces Misérables sont portés par Belmondo. Émacié mais toujours affûté, son Valjean s’impose en rupture avec les silhouettes lasses et massives de Harry Baur, Jean Gabin, Gino Cervi, Lino Ventura..., ses prédécesseurs. Ce sera son dernier grand rôle. En 2001, l’acteur est anéanti par un AVC au moment où se dessinait une nouvelle carrière de senior, de sage, de patriarche au service de jeunes réalisateurs, tel Cédric Klapisch qui, dans Peut-être (1999), le transforme en ermite, au cœur d’un Paris ensablé.
Habillés en curé, tous les acteurs français, même les meilleurs, ont l’air déguisés. Pour Léon Morin prêtre (1961) Jean Pierre Melville, chercha son rôle titre pendant près de 10 ans. Il réussit enfin à convaincre un Belmondo réticent d’enfiler une soutane. Pour l’un et pour l’autre ce fut une révélation. Car si Bebel était gouailleur, bagarreur, parfois jusqu’à l’insupportable, Jean-Paul Belmondo lui, sonnait toujours juste.